Place Publique du Lorndor

Là où l'on palabre...

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#1 27-01-2008 21:15:27

syhl
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"MĂ©moires d'une diplomate"

Sheitana sortit prĂ©cautionneusement la tĂȘte de sous l'Ă©critoire, regarda Ă  gauche, Ă  droite, et ne voyant aucun danger, s'extirpa complĂštement de sa cachette.
Elle avait beau n'avoir que dix ans (dix ans et demi, comme elle se plaisait Ă  prĂ©ciser aux grandes personnes), rester deux heures durant roulĂ©e en boule sous un meuble Ă  attendre que l'heure de la fermeture de la bibliothĂšque passe, c'Ă©tait quand mĂȘme un vrai supplice. Mais la rĂ©compense de tant d'attente valait bien toutes les tortures du monde.


Bien que jeune, la petite Sheitana n'en était pas moins vive et intelligente, et surtout, trÚs réceptive, aux dire de son éducateur; ce que sa mÚre avait immédiatement interprété comme de la
"curiosité déplacé chez une enfant de cet ùge, qui ne pourrait aboutir qu'à un dérangement de son futur esprit d'adulte". Et, pour remédier à cela, elle lui avait confisqué ses livres, espacé sensiblement les interventions de son percepteur, et interdit tout accÚs à la BibliothÚque autre que ceux nécessaires à la réalisation des travaux imposés par le précepteur de l'enfant.

" De toute façon, une femme de votre rang ne doit savoir compter que pour superviser les comptes de ses terres, ne doit savoir Ă©crire que pour rĂ©diger des lettres Ă  sa famille, ne doit connaĂźtre son pays que pour ne pas commettre d'impairs envers ses voisins lors de rĂ©ceptions. Le reste n'est que perte de temps", se plaisait Ă  lui rĂ©pĂ©ter sa mĂšre. Et, pour bien faire entrer le message dans la tĂȘte de l'enfant, elle l'avait peu Ă  peu sĂ©parĂ©e de ses frĂšres, l'empĂȘchant d'assister Ă  leurs sĂ©ances d'entrainement, et lui avait collĂ© entre les mains des travaux de broderie Ă  n'en plus finir.


Mais Sheitana refusait cet Ă©tat de fait; et malheureusement, l'intervention de sa mĂšre arrivait trop tard,
"le mal Ă©tait dĂ©ja fait." Avant son dĂ©part, son prĂ©cepteur avait eu le temps de lui faire dĂ©couvrir les joies de la lecture, la poĂ©sie, les romans, l'histoire... la petite avait un appĂ©tit incroyable et ingurgitait au sens propre du terme des ouvrages presques aussi Ă©pais qu'elle. Toute information qu'elle obtenait, elle la mĂ©morisait immĂ©diatement, et tout Ă©tait bon pour satisfaire sa curiositĂ©. Sa soif d'apprendre et de comprendre Ă©tait telle qu'elle Ă©tait prĂȘte Ă  tout pour la satisfaire... mĂȘme Ă  se laisser enfermer une partie de la nuit dans la BibliothĂšque, comme elle l'avait fait ce soir, comme elle le faisait depuis bientĂŽt trois semaines.


Elle se redressa complÚtement, étira son dos avec une grimace, puis se mit en route entre les hautes étagÚres lourdement chargées de rouleaux, de folios, de gazettes et d'ouvrages. Elle emprunta un chemin bien précis, et se retrouva face à l'étagÚre qui accaparaßt toute son attention depuis maintenant 4 jours.
Se haussant sur le pointe des pieds, elle parcourut de son doigt les vieilles couvertures de cuir défraßchies, aux lettrines dorées à demi effacées. " Le Nain Tianatchonnsse à la recherche de l'arche de l'Alliance" - "A la poursuite de la Gemme Verte" - "La Horde contre-attaque" - " Correspondances avec un vampire"...


Soudain, son regard s'arrĂȘta sur un vieux cahier noir Ă  la couverture racornie. Le cahier Ă©tant peu Ă©pais, Sheitana du le sortir pour en lire le titre.

" MĂ©moires d'une diplomate".
Intriguée, elle ouvrit le volume, et lut la page de garde.
" Mémoires d'une diplomate, par Dame Syhl de Parravon, Ambassadrice de bonne volonté sur les Terres Lorndoriennes, sous le 5e ùge."

La petite s'assit en tailleur au pied mĂȘme de l'Ă©tagĂšre, prit une capeline dans la besace qu'elle avait en bandouliĂšre, ainsi qu'une chandelle. Elle l'alluma, s'enroula au chaud dans la capeline, et reprit sa lecture Ă  la lueur tremblotante de la flamme de la chandelle.

" Moi, Dame Syhl de Parravon, tient à consigner dans le présent ouvrage tous les évÚnements de la vie que j'ai passée au service de mes pairs sur les Terres merveilleuses du Lorndor, pour que ne soient jamais oubliés à la fois les horreurs qui s'y passÚrent, ainsi que les moments inoubliables qui y furent célébrés, afin qu'ils servent d'exemples aux générations futures, et que le souvenir des héros qui vécurent pendant cette période riche en évÚnements perdure à travers les siÚcles..."



[Hrp: je commence ici le récit de l'histoire de mon personnage... n'hésitez pas à commenter, la suite viendra au fur et à mesure... merci !]

Dernière modification par syhl (30-01-2008 09:51:28)


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" Ne vous jugez pas... Il y a tellement de gens en ce monde qui se feront un plaisir de le faire pour vous."

 

#2 27-01-2008 22:55:17

Seytahn
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Ca donne trĂšs envie de connaitre la suite ^^


zzzzzzzzz.......... dans mon cercueil.... zzzzzzzzzzz....

 

#3 28-01-2008 22:02:05

Yesina
[A*o*D*T] - Gnomette
Lieu: °o°
Level : 34
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Tout a fait d'accord avec Seytahn ! Continue nous vite ca Sylhounette smile

En fait je vais aller lire sur vot' forum, ca sera plus rapide ^^


Diplomate [A*o*D*T]

Anciennement Aladore : elfe soigneuse délurée lvl 27 married to M!ck@l
Désormais Yesina, gnomette agitée du bocal lvl 27 married to Hatanis

 

#4 28-01-2008 22:16:51

Gelwin
[IRL] - Elfette
Level : 44
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

beuh eh ! Favoritisme !! ^^

J'aime bien le fait que tu sois partie d'un autre personnage sinon big_smile


désolé ^^

http://jonjokah.free.fr/hc/gdm/Gdm_carto1.png

 

#5 29-01-2008 20:40:14

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

PREFACE



Moi, Dame Syhl de Parravon, tient à consigner dans le présent ouvrage tous les évÚnements de la vie que j'ai passée au service de mes pairs sur les Terres merveilleuses du Lorndor, pour que ne soient jamais oubliés à la fois les horreurs qui s'y passÚrent, ainsi que les moments inoubliables qui y furent célébrés, afin qu'ils servent d'exemples aux générations futures, et que le souvenir des héros qui vécurent pendant cette période riche en évÚnements perdure à travers les siÚcles.


Grùce à ces Mémoires,Je souhaiterai rendre un hommage mérité à celles et ceux que je considÚre comme des exemples, à celles et ceux qui ont donné jusqu'à leur vie pour servir leur juste cause, à celles et ceux qui, finalement, ont parfois fait plus pour le Lorndor que cette poignée de soit-disant héros que l'Histoire choisira de retenir et de glorifier.
Parce qu'Ă  mes yeux, gloire et honneur ne s'acquiĂšrent pas uniquement sur un champ de bataille ou dans un compte en banque, par le nombre de ses victimes ou le nombre de ses piĂšces d'or, je veux chanter le nom de ceux qui, par leur courage, leur abnĂ©gation et leur simplicitĂ©, ont accompli des exploits qui mĂ©ritent d'ĂȘtre narrĂ©s, comme ces lĂ©gendes qui ont bercĂ© autrefois mon enfance et qui ont contribuĂ© Ă  faire de moi celle que je suis aujourd'hui.


Puissent les Dieux, dans leur immense générosité, me permettent de les rejoindre là-haut une fois mon passage sur ces Terres accompli.

Dernière modification par syhl (30-01-2008 09:52:22)


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#6 29-01-2008 20:42:15

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 1 - UN BONHEUR TOUT SIMPLE


Je vis le jour au beau milieu d'une chaude nuit d'Ă©tĂ© du dĂ©but du 5e Âge, dans le domaine familial des De Parravon, en bordure d'un charmant petit village situĂ© au nord-est des Terres Lorndoriennes, Thendalle. Ne cherchez pas Ă  le localiser sur une carte, il a aujourd'hui disparu. A l'Ă©poque, c'Ă©tait un petit bourg prospĂšre, paresseusement Ă©tendu entre une petite riviĂšre et les contreforts des impĂ©rieuses Montagnes du Nord. J'y suis nĂ©e en temps de paix, ce qui Ă©tait plutĂŽt rare en ces pĂ©riodes troubles qu'Ă©tait le 5e Âge.

Mon pĂšre, KĂ©ran de Parravon, Ă©tait un homme bon et apprĂ©ciĂ© des villageois. Il entretenait avec justesse et gĂ©nĂ©rositĂ© un tiers des familles du village qui, en retour, travaillaient pour nous, sur nos terres et dans nos bois. Les rĂ©coltes faites Ă©taient ensuite pour une partie redistribuĂ©e au village, pour une autre stockĂ©e en cas de famine, et pour une troisiĂšme vendue aux contrĂ©es voisines; et l'argent qu'elle rapportait servait en majoritĂ© en don pour le village. Je me souviens mĂȘme que, en cas d'hivers longs et rigoureux, mon pĂšre permettait Ă  ses hommes de chasser dans ses bois et de pĂȘcher dans ses Ă©tangs, Ă  la simple condition de lui communiquer leurs prises. Jamais depuis je n'ai revu pareil gĂ©nĂ©rositĂ© chez un seigneur.

Ma mÚre, Viviel de Parravon, était à ce que m'en disait mon pÚre, une trÚs belle femme avec un caractÚre des plus délicieux.
Ce que ma chĂšre nourrice traduisait invariablement par:
"Elle menait votre pĂšre par le bout du nez, et lui ne pouvait rien lui refuser."
Je n'ai que trÚs peu connu ma mÚre. En effet, elle décéda deux ans seulement aprÚs ma naissance, en donnant naissance à mon frÚre cadet, Ethan. Avec mon frÚre ainé, Kaios, nous formions ce que la nourrice appelait affectueusement "le trio infernal". Pauvre Annah! Je me rend compte aujourd'hui de la patience et de l'amour qu'elle eut pour nous. Grùce à elle, je n'ai jamais ressenti la douleur provoqué par l'absence de ma mÚre. Contrairement à Kaios, qui avait quatre ans lorsqu'elle nous quitta, et qui toujours conserva le souvenir de ces quatres années passées auprÚs d'elle.

J'ai grandi ainsi, entouré de garçons, adorée par mon pÚre qui revoyait en moi le souvenir de celle qu'il avait aimée. De ma mÚre, j'ai hérité mes cheveux blonds et la curiosité. De mon pÚre, j'ai reçu mes yeux clairs et l'attirance pour les armes. Au grand désepsoir de ma tante Falaïs, soeur de ma mÚre, qui poussait des hauts cris lorsqu'elle me surprenait, un baton dans les mains, lancée dans des combats imaginaires (dont je sortait bien évidemment victorieuse.)
Patiemment, j'assimilais alors ses leçons sur la maniĂšre dont devait se conduire une juene fille de bonne famille, puis, au moment mĂȘme oĂč elle pensait avoir enfin domptĂ© le petit dĂ©mon que j'Ă©tais, je m'Ă©chappais du chĂąteau pour aller rejoindre en courant, pieds nus dans la poussiĂšre, mes deux frĂšres qui se chamaillaient au bord de la riviĂšre.

Mon pĂšre souriait des plaintes de ma tante, et plus d'une fois je l'ai entendu lui dire Ă  quel point il Ă©tait heureux de me voir si libre et si Ă©panouie; mĂȘme si, pour la forme, j'avais droit Ă  des remontrances le soir au dinner. Mais je voyais Ă  chaque fois dans ses yeux quand il me sermonnait Ă  quel point il Ă©tait fier de moi.
Et chaque soir, alors que nous étions tous trois vautrés sur le grand tapis du salon, uniquement éclairés par le feu de la grande cheminée qui crépitait et nous réchauffait agréablement, chaque soir, mon pÚre s'asseyait dans son lourd fauteuil, puis, il nous racontait inlassablement les contes et légendes qui parcouraient le Lorndor, nous enseignant par ce moyens (mais j'étais trop jeune alors pour m'en rendre compte) des valeurs comme l'honneur, le courage, le respect, ou encore la bonté.

Et moi, je m'endormais, et je rejoignais dans mes rĂȘves les farouches guerriers et les dompteurs de dragons, les puissants enchanteurs et les fragiles fĂ©es, les fiers elfes et les nains indomptables...
Je ne m'imaginais pas que ce rĂȘve un jour puisse prendre fin.
Mais le réveil n'en fut que plus brutal.

Dernière modification par syhl (30-01-2008 09:52:53)


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#7 30-01-2008 01:33:50

pindesucre
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Juste un petit commentaire parasite pour signaler mon... (admiration? trop fort... appreciation? pfuii, c'est pas ca non plus...) emotion (j'ai pas mieux) a la lecture de ce recit. C'est... bien.

*'tain! chuis nul en critique litteraire, moi, et en compliment pire encore...*

 

#8 30-01-2008 07:32:51

Lithium
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Je n'ai pas encore tout lu, je ne vais donc pas encore commenter le contenu du texte.
Toutefois, si je peux me permettre de critiquer la mise en page, évite les couleurs, normalement réservées à la modération (sauf erreur, les modos ont déjà précisé qqch à ce sujet dans un autre topic) et qui nuisent beaucoup à la lecture lorsqu'on a choisi un style plus clair pour ce forum (ça bousille les yeux ! ><).
Regarde par toi-mĂȘme :
http://img213.imageshack.us/img213/9764/sanstitrecc1.png


“There is nothing either good or bad, but thinking makes it so.”  (William Shakespeare)
http://img208.imageshack.us/img208/8699/lithiumnewstylesign1mk9.png

 

#9 30-01-2008 09:47:53

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

ah oui, bonne remarque je n'avais pas pensé aux problÚmes de paramétrage individuel du forum...


pour ce qui Ă©tait de la couleur, c'Ă©tait juste pour diffĂ©rencier la partie "livre" de la partie "rĂ©cit"... pas pour embĂȘter les modos (j'ai cherchĂ© une couleur assez neutre pour ça...) mais c'est vrai qu'avec les diffĂ©rents styles ça risque d'ĂȘtre tendu...

Je réctifie ça de suite ^^

en tout cas, merci pour les comm' !! ^^

Dernière modification par syhl (30-01-2008 09:53:23)


http://img41.imageshack.us/img41/3528/0b026bbf8697d33368dd78f.gif
" Ne vous jugez pas... Il y a tellement de gens en ce monde qui se feront un plaisir de le faire pour vous."

 

#10 30-01-2008 12:28:25

Lithium
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Merci beaucoup syhl ! big_smile
Je vais maintenant pouvoir continuer à me régaler, en lisant le reste de l'histoire postée (je n'avais pas eu le courage de lire les postes en jaune ^^').

edit : Maintenant que j'ai tout lu, je rejoins les autres sur leurs compliments. C'est vraiment trÚs intéressant et trÚs bien écrit ! Vivement la suite (qui ne tardera pas à paraßtre, je l'espÚre) ! wink

Dernière modification par Lithium (30-01-2008 13:46:37)


“There is nothing either good or bad, but thinking makes it so.”  (William Shakespeare)
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#11 31-01-2008 21:51:51

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 2 – RETOUR A LA REALITE.


Cela commença comme un rire. Une vague rumeur. LégÚre comme la brise qui soufflait en ce matin de printemps qui voyait fleurir mes 14 ans. On en souriait. Personne ne voulait y accorder la moindre attention.
Ceux, rares, qui y croyaient vraiment, s’attiraient railleries et moqueries des autres personnes « saines d’esprit ». Allons bon !! La guerre ? Ici ? Mais enfin, allons, soyons sĂ©rieux ! La guerre, c’est bon pour les riches, les puissants, et ceux qui ont quelque chose de valeur Ă  protĂ©ger ! Nous ne sommes que de simples producteurs de cĂ©rĂ©ales, n’avons ni or, ni minerai, ni fourrures, ni bois prĂ©cieux, rien ne justifiant la volontĂ© de prendre notre village d’assaut ! Une guerre
 et puis quoi encore ? Pourquoi pas un blizzard en plein Ă©tĂ© ?! Quelle idĂ©e, vraiment, de faire peur aux enfants avec des histoires pareilles !!


Quand nous vĂźmes passer les premiĂšres colonnes de rĂ©fugiĂ©s, il ne fut plus question de racontars de bonne femme. Avec l’arrivĂ©e de ces rĂ©fugies vinrent les premiers rapports du front. A l’extrĂȘme Est du village, de l’autre cĂŽtĂ© des Montagnes, avaient surgi des troupes de dĂ©mons chaotiques, venues par on ne sait quel moyen du sud-est du Pays, et qui marchaient en direction des peuplades elfiques Ă©tablies depuis des gĂ©nĂ©rations dans les vastes forĂȘts qui bordaient l’autre versant des Montagnes. Quelles Ă©taient les raisons de ce soulĂšvement massif ? Nul ne le savait. Mais pas besoin de savoir le pourquoi des choses devant les horreurs qui Ă©taient racontĂ©es par les survivants.
Les troupes dĂ©moniaques avançaient impitoyablement, sans dĂ©vier de leur route, massacrant avec sauvagerie tous les villages humains qu’ils rencontraient sur leur passage. Les rĂ©cits insoutenables de femmes violentĂ©es, d’enfant dĂ©vorĂ©s, d’hommes massacrĂ©s, faisaient frĂ©mir mĂȘme les plus endurcis d’entre nous.


Au chĂąteau, mon pĂšre, KĂ©ran, faisait tout pour nous protĂ©ger de ces Ă©vĂšnements, crĂ©ant une bulle autour de nous pour que nous ne soyons pas atteints par ces horreurs. Quelques familles de rĂ©fugiĂ©s furent recueillies dans les dĂ©pendances attenantes au domaine, et mon pĂšre prĂ©texta l’arrivĂ©e prĂ©coce du printemps pour justifier l’emploi de tant de nouveaux ouvriers. Mais nous n’étions pas dupes pour autant.
Arriva le moment oĂč mon pĂšre comprit qu’il ne pourrait plus nous cacher la vĂ©ritĂ© plus longtemps. Aussi, un soir, alors que nous Ă©tions rĂ©unis comme Ă  l’accoutumĂ©e autour de la chemina, il parla. Mais l’histoire qu’il nous raconta ne commença pas par les habituels « Il Ă©tait une fois
 » ou « Au commencement de tout, il y avait
 ». Il nous parla de la guerre, simplement, des horreurs qu’elle gĂ©nĂ©rait, les pourquoi et les comment. Il nous dit l’ambition des puissants, la haine entre les peuples et l’égalitĂ© des races devant l’absurditĂ© et la convoitise. Il parla longuement, calmement, et rĂ©pondit patiemment Ă  chacune de nos questions.
Et lorsque nous nous tĂ»mes enfin, tous trois, les yeux fixĂ©s en silence sur les flammes de l’ñtre sans vraiment les voir, il nous laissa un instant digĂ©rer toutes ces informations. Puis, tout aussi calmement, il reprit la parole. Mais les mots qu’il prononça alors ne s’effacĂšrent jamais de mon esprit. Ils marquĂšrent Ă  tout jamais la fin de cette Ă©poque heureuse, la fin de mon enfance.


- « Demain, mes enfants, je m’en vais moi aussi au front. »
Nous sursautĂąmes.
- « Tous comme beaucoup d’hommes du village. Nous avons reçu il y a quelques jours une demande d’aide de la part d’Elfes de LaĂ«ndrill, le village elfique le plus proche du nĂŽtre, de l’autre cĂŽtĂ© des Montagnes. AprĂšs rĂ©flexion, nous avons dĂ©cidĂ© d’y aller afin de tenter de briser l’avancĂ©e des troupes du Chaos. Car il est Ă©vident qu’elles ne s’arrĂȘteront pas lĂ  une fois leur objectif atteint. Il nous faut concentrer nos efforts dĂšs maintenant, tant que nous n’avons rien Ă  perdre, tant que nous vous savons tous encore Ă  l’abri loin derriĂšre nous. Mon cƓur serait bien moins serein et mon esprit bien moins tranquille si je nous savais le dernier rempart entre ces troupes dĂ©moniaques et vous

En cas de dĂ©faite (et je prie Dieu que cela ne soit pas le cas), il faudra encore 7 jours de marche dans les Montagnes Ă  notre ennemi avant de vous atteindre. Cela vous laissera le temps d’évacuer. »

Et comme nous tentions de protester, il ajouta doucement :
- « Ma dĂ©cision est prise. Je ne resterais pas ici Ă  l’abri comme un pleutre sous prĂ©texte que je suis un chĂątelain. Souvenez-vous bien de ce que je vous ai appris sur l’honneur, le courage et la foi. Ne craignez rien. Si ma conduite est juste, quelque soit la voie que le destin me trace, je sortirai vainqueur. MĂȘme de la mort. »

Mon pĂšre dĂ©testait les adieux. Sans un mot, il nous embrassa sur le front comme de coutume quand nous allions nous coucher, comme si ce soir-lĂ  Ă©tait un soir normal, et que nous nous rĂ©veillerions en paix. Comme tous les soirs, il embrassa d’abord Kaios, l’ainĂ©, puis moi-mĂȘme, et enfin mon frĂšre Ethan. Comme si tout Ă©tait normal. Seul un lĂ©ger dĂ©tail me convainquit que la scĂšne Ă©tait affreusement rĂ©elle. Une chose que je n’oublierai jamais plus.
Les mains de mon pĂšre qui tremblaient en me prenant le front.


Le lendemain matin, Ă  notre rĂ©veil, il n’était plus lĂ . Fringant, son cheval, manquait Ă  l’écurie, de mĂȘme que la lourde Ă©pĂ©e de bataille qui aurait du trĂŽner sur le devant de la cheminĂ©e.



Commença alors la plus douloureuse des attentes, dans un chĂąteau devenu subitement glacial malgrĂ© les premiĂšres douceurs du printemps. A chaque ouverture de porte je croyais voir entrer mon pĂšre, avec son rire et ses yeux pĂ©tillants. A chaque claquement de sabot sur les pavĂ©s de la cour nous nous Ă©lancions vers les fenĂȘtres intĂ©rieures ; mais ce n’était que les convois de rĂ©fugiĂ©s, toujours plus nombreux, qui ne s’arrĂȘtaient mĂȘme plus, si atrocement semblables, avec les mĂȘmes regards vides, accompagnĂ©s des mĂȘmes pleurs d’enfant.

Pour nous occuper les mains Ă  dĂ©faut de pouvoir nous occuper l’esprit, nous nous Ă©tions dĂ©signĂ©s des tĂąches quotidiennes Ă  accomplir. Kaios, secondĂ© par Annah, aprenait sur le tas Ă  gĂ©rer notre domaine. Ethan, lui, organisait des convois de ravitaillement dans le village avec les denrĂ©es que lui dĂ©signait son frĂšre, et participait Ă  des battues pour tenter de chasser les quelques rares gibiers encore prĂ©sent dans nos forĂȘts. Quand Ă  moi, je donnais autant que possible des soins aux rĂ©fugiĂ©s de passage et leur distribuais des galettes de blĂ© noir prĂ©parĂ©es la veille avec ma nourrice. La famine guettait.

C’est devant ce parvis que je vis passer un matin des rĂ©fugiĂ©s aux longues oreilles et Ă  la peau blafarde. Des elfes. Les premiers de toute ma vie. PĂšre avait raison, ils ne diffĂ©raient en rien des autres rĂ©fugiĂ©s. Devant la faim et la souffrance, nous Ă©tions bien tous Ă©gaux.
Ainsi le conflit avait atteint environ une semaine auparavant les villages elfiques. Cette informations nous rassura et nous terrifia en mĂȘme temps. Notre pĂšre Ă©tait donc dĂ©finitivement au combat maintenant.
Nous continuñmes de prier
 et d’attendre.




Puis un matin, environ deux semaines aprĂšs l’arrivĂ©e des premiers rĂ©fugiĂ©s elfes, je vis un cavalier entrer dans le village. Sa monture ne titubait pas de fatigue, comme les autres chevaux que j’avais pu voir. Son cavalier ne se laissait pas aller au roulis provoquĂ© par le pas de sa monture, comme les hommes et les femmes affamĂ©s qui passaient habituellement. L’homme, ou plutĂŽt, comme je le vis quelques instants plus tard, l’elfe, s’avança droit vers notre demeure. Il s’arrĂȘta prĂšs de moi, et me parla d’une voix douce Ă  mes oreilles.

- « Est-ce lĂ  la demeure du Sieur de Parravon ? Êtes-vous Demoiselle Syhl ?»Je ne pus que hocher la tĂȘte, les membres soudain glacĂ©s.

- « Je me nomme Fala’as, j’étais aux cĂŽtĂ©s de votre pĂšre Ă  LaĂ«ndrill. J’ai une dette envers lui que je me dois d’acquitter. Il a sauvĂ© toute mon unitĂ© pendant une bataille ; en dĂ©pit de nos diffĂ©rences, j’ai conçu un immense respect pour sa bravoure et son courage ; et si les Dieux nous l’avaient permis, je pense qu’avec le temps nous aurions pu devenir amis.
Las, Demoiselle, le Destin fut cruel avec lui. Alors qu’il regagnait un de nos abris, il trĂ©bucha sur le corps d’un des nĂŽtres, blessĂ©. Il perdit du temps en voulant l’aider Ă  regagner l’abri, et c’est lĂ  qu’un de ces dĂ©mons, au seuil de la mort, le poignarda avec une dague avant de trĂ©passer. La blessure en soit n’était pas mortelle, mais la dague Ă©tait empoisonnĂ©e.
Il est mort dans mes bras, me faisant jurer, si nos troupes faiblissaient, de venir vous prĂ©venir et de vous mettre Ă  l’abri.
Demoiselle, veuillez recevoir mes plus sincÚres condoléances pour la mort de votre pÚre. »Il me tendit un objet volumineux emballé dans un drap sale ; un pan de ce drap se découvrit, et je vis alors un morceau de métal briller.
L’épĂ©e de mon pĂšre.
C’est là que je perdis tout à fait connaissance.




Le reste, je le sus Ă  mon rĂ©veil. Comment Fala’as nous aida Ă  nous organiser, Ă  prĂ©parer notre fuite, la nĂŽtre, mais aussi celle de tout le village. Comment nous fĂ»mes secondĂ©s par les rĂ©fugiĂ©s reconnaissants, qui avaient entre temps recouvrĂ©s quelques forces. Il nous restait, selon l’estimation de mon pĂšre, environ six jours de rĂ©pit.
Et puis soudain, deux jours aprĂšs l’annonce de l’horrible nouvelle, un autre cavalier elfe dĂ©boucha hors d’haleine sur la place.
Les troupes du chaos avait été aperçues franchissant le col de Falinas.
Elles avaient trois jours d’avance sur nos prĂ©visions.
Elles seraient lĂ  dĂšs le lendemain.


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" Ne vous jugez pas... Il y a tellement de gens en ce monde qui se feront un plaisir de le faire pour vous."

 

#12 07-02-2008 21:23:28

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 3 – DESILLUSIONS – 1ere Partie


Le nouveau venu, Mahin’nil, Ă©tait un lieutenant de Fala’as et venait faire son rapport.
AprĂšs le dĂ©part de son officier, Mahin’nil avait prit la tĂȘte du bataillon et avait lancĂ© une derniĂšre offfensive vers les hordes chaotiques. Mais leur attaque de flanc fut dĂ©jouĂ©e par les ennemis, qui virĂšrent brusquement de bord pour les charger de front. La bataille tourna au carnage, et beaucoup d’Elfes moururent ce jour lĂ . La ville de LaĂ«ndrill, dĂ©sormais sans dĂ©fense, Ă©tait tombĂ©e et avait Ă©tĂ© dĂ©vastĂ©e par les barbares.
Cependant, une lueur d’espoir Ă©tait venue avec l’arrivĂ©e d’un messager en provenance du Sud. Un Seigneur cousin du Seigneur de LaĂ«ndrill avait entendu son appel, et envoyait de nouvelles troupes fraĂźches, composĂ©es d’Elfes et de voisins Humains, pour tenter de sauver ce qui pouvait l’ĂȘtre encore. Les troupes du Chaos avaient bien souffert sous les lignes de dĂ©fense Elfiques, et l’arrivĂ©e de renforts ennemis les inquiĂ©tait.
Voila pourquoi le pillage de LaĂ«ndrill avait Ă©tĂ© baclĂ©, au profit d’une retraite stratĂ©gique dans les Montagnes, retraite qui ne les empĂȘchait pas d’assouvir leur soif de sang en massacrant les faibles villages sur leur passage. Voila pourquoi aussi, ils arrivaient avec tant d’avance.

Nous fûmes anéantis par la nouvelle.
Certains, dont les rĂ©fugiĂ©s, paniquĂšrent et abandonnĂšrent tout sur place, cherchant dans la fuite un salut plus qu’improbable. D’autres tombĂšrent assis, Ă  mĂȘme le sol, tĂȘte penchĂ©e, et commencĂšrent Ă  attendre leur fin, rĂ©signĂ©s, priant pour qu’elle arrive le plus vite possible.

Heureusement, la majoritĂ© des villageois rĂ©ussit Ă  garder son calme. Des que la nouvelle fut connue de tous, nous vĂźmes affluer une troupe silencieuse et tremblante aux portes du chĂąteau. Tout ce que le village comptait de valide Ă©tait lĂ  ; les femmes, les enfants et les vieillards noyant de leur nombre les quelques hommes qui n’étaient pas partis au front.
Un vieillard ĂŽta alors son vieux chapeau, dĂ©voilant une tĂȘte ridĂ©e et Ă©puisĂ©e par le chagrin, la faim et la fatigue. Il s’avança d’un pas, se sĂ©parant ainsi du reste de la foule. Je ne le connaissais que trop bien.


- « Ma ‘mizelle, mes Seigneurs, je viens parler pour mes camarat’ ici prĂ©sents. Vous m’connaissez, j’suis Aaron, pour vous servir, mes Seigneurs, vous savez, c’est mon fils Enak qu’était comme qui dirait vot’ intendant. Alors, ‘savez, c’est pour ça qu’les autres y m’ont dit de vous parler pour nous tous. »

Kaios, Ă©tant l’ainĂ©, s’avança lui aussi d’un pas, et pour se donner bonne contenance, se croisa les bras sur la poitrine. Je fus frappĂ©e de voir Ă  quel point il avait sans le vouloir consciemment, reproduit les attitudes de PĂšre. De le voir ainsi, une boule se forma dans ma gorge.

- « Je t’écoute, Aaron. Parle sans crainte. »
- « Ben, voila. Du temps d’vot pĂšre, que les Dieux le prennent en leur bonn’ garde, on a toujours Ă©tĂ© protĂ©gĂ©. Y nous a toujours aidĂ©s, mĂȘme quand y f’sait grand faim. L’était juste, Not’Seigneur, et l’était bon pour nous. Mon vieux cƓur y pleure aujourd’hui. Pasqu’on a jamais pu lui montrer qu’on y Ă©tait r’connaissant , pas vrai vous z’autes ? »

La foule aqcuiesça dans un grognement incompréhensible.

- « Alors, nous, on veut qu’ça change. On veut qu’on vous aide, pour l’souvenir de Not’Seigneur, et pour lui dire merci mĂȘme si y est pu lĂ  aujourd’hui. Pis y a toujours veiller sur nous, alors maint’nant, c’est Ă  nous d’veiller sur sa famille.
Quoiqu’vous dĂ©cidiez, on s’ra derriĂšre vous, M’sieur l’Comte. »

Kaios Ă©tait devenu blĂȘme, en comprenant de facto qu’il Ă©tait devenu le chef de notre famille. Le vieux Aaron l’avait ramenĂ© Ă  la rĂ©alitĂ©, en lui donnant le titre qui Ă©tait rĂ©servĂ© Ă  PĂšre.
Et, d’un seul tenant, les quarante ou cinquante personnes qui composaient l’assemblĂ©e s’inclinĂšrent.


La scĂšne Ă©tait poignante. Cinquante personnes, des vieillards pour la plupart, entiĂšrement dĂ©vouĂ©s aux trois enfants tremblants que nous Ă©tions. Le poids du monde sur nos Ă©paules n’aurait pas Ă©tĂ© plus lourd que toute la confiance et l’espoir qui brillaient au fond des yeux de ces pauvres gens. Ils venaient de dĂ©poser leur vie entre nos mains. Nous ne pouvions pas les abandonner.
Instinctivement, Ethan et moi-mĂȘme nous rapprochĂąmes de notre frĂšre ainĂ©. Nous voulions partager avec lui cette responsabilitĂ© Ă©crasante pour un jeune homme de seize ans. Nous avions toujours vĂ©cu Ă  trois, nous Ă©tions prĂȘts Ă  mourir Ă  trois.
Du moins, c’est ce que je croyais.
Mais j’avais comptĂ© sans l’amour fraternel.



TrĂšs calmement, Kaios prit la parole.
- « Au nom de mon PĂšre et au nom des miens, je vous remercie pour cette marque de confiance. Je ferais de mon mieux pour suivre l’exemple de Pù
 du dĂ©funt Comte KĂ©ran de Parravon.
Comme vous le savez, la situation est dĂ©sespĂ©rĂ©e. L’avancĂ©e des troupes barbares a Ă©tĂ© bien plus rapide que prĂ©vue, et elles seront Ă  nos portes dĂšs demain matin.
Nous ne pourrons pas tous nous enfuir. Mais nous pouvons contribuer Ă  en aider certains.
Je sais Ă  quel point la guerre a Ă©tĂ© terrible, pour vous. Je sais que vous avez tous perdu un ĂȘtre cher dĂ©jĂ , un mari, un pĂšre ou un fils. Je sais aussi que ce que je vais vous demander est dur, cruel. C’est pourquoi je ne veux obliger personne. Mais je pense que c’est notre meilleure solution.
Ceci n’est pas un ordre. Juste une demande.
Je demande à toute personne valide, de bien vouloir me rejoindre pour former une troupe armée et défendre le village. »

La stupĂ©faction et l’incomprĂ©hension se lisait dans les yeux de ses auditeurs. La foule se mit Ă  gronder, un bĂ©bĂ© commença Ă  pleurer. Mais mon frĂšre leva un bras et les murmures se turent.
- « Écoutez-moi ! Je ne me fais pas d’illusion, nous ne pourrons venir Ă  bout de ces dĂ©mons qui ont su rĂ©sister Ă  des armĂ©es bien entrainĂ©es de soldats Elfes. Mais peut-ĂȘtre pourrons-nous gagner assez de temps pour permettre aux femmes et aux enfants de s’enfuir.
Tout comme vous, j’ai de la famille qui m’est chĂšre. Je ne pourrais souffrir de voir ma sƓur aux mains de ces monstres, je ne pourrais supporter de voir mon jeune frĂšre torturĂ© par ces dĂ©mons. Leur donner une chance de fuir m’importe plus que ma propre vie. Et je suis sĂ»re que beaucoup d’entre vous sont prĂȘt Ă  faire de mĂȘme. A ceux-lĂ , je dis : rejoignez-moi. Pour que les vĂŽtres, les nĂŽtres puissent survivre. Qu’ils puissent porter au loin le rĂ©cit des atrocitĂ©s qui se passĂšrent ici. Que vos enfants puissent grandir et vivre. Que notre sacrifice ne soit jamais oubliĂ©.
Alors ? Qui est avec moi ? »

Plusieurs hommes sortirent du rang. Quelques femmes aussi. Dans chaque famille, quelqu’un choisissait de rejoindre mon frĂšre. L’ainĂ© des enfants, pour que ses frĂšres et sƓur puissent avoir leur chance. Le grand pĂšre de la famille, qui savait qu’il serait un fardeau dans la fuite des siens. Une mĂšre, dont le mari avait dĂ©jĂ  pĂ©ri, et qui confiait ses enfants Ă  une voisine.
BientĂŽt nous eĂ»mes une vingtaine de personnes silencieuses et dĂ©terminĂ©es, prĂȘtes Ă  dĂ©fendre le village. Leur regard Ă©tait terrible. Le regard d’hommes ou de femmes sur le point de mourir, et conscient de cela.

- « Merci Ă  tous. Maintenant nous n’avons plus de temps Ă  perdre. Syhl, je te charge d’aider les femmes et les enfants restants Ă  rassembler quelques provisions et quelques hardes pour organiser la fuite. Ethan, prend dix personnes et fais le tour du village. Rapporte tout ce que tu pourras trouver pour servir d’armes. Les autres, suivez moi. Nous allons dresser des barricades autant que possible autour de nous. »
Sans un mot, les gens se dispersùrent. J’allais les suivre lorsque Kaios me prit le bras et me parla à mi-voix.
- « Je veux que vous soyez prĂȘt Ă  partir dans moins de deux heures. »
- « Je ne te laisserais pas seul face Ă  ces fous ! Je
 »
- « Ne discute pas. C’est un ordre. »
J’eus le souffle coupĂ© par la duretĂ© de ses paroles. Un instant, j’entrevis l’homme qu’il aurait pu devenir. Un Seigneur respectĂ© et charismatique. Il tenait vraiment de PĂšre. Jusqu’à son regard.




Deux heures aprĂšs nous Ă©tions prĂȘts. Mais j’étais bien dĂ©cidĂ©e Ă  rĂ©sister Ă  Kaios. J’étais comme lui une De Parravon. Je n’avais Ă  recevoir d’ordres de personne. Pas mĂȘme de mon frĂšre.
Nos alliĂ©s du moment Ă©taient aussi avec nous. Fala’as avait dĂ©cidĂ© de rester combattre aux cĂŽtĂ©s des volontaires (« DĂ©fendre jusqu’à mon dernier souffle le fils de celui qui m’a sauvĂ© la vie
 voila comment je paierais ma dette. ») tandis que Mahin’nil accompagnerait les fuyards. Les femmes et les enfants allaient tenter de partir au Nord du village sur les Hauts de Lornell ; Mahin’nil Ă©tait originaire de ces contrĂ©es et connaissait de nombreuses caches.

Le moment des adieux Ă©tait venu. Mais je me plaçais aux cĂŽtĂ©s de Kaios, lui montrant par lĂ  que j’étais dĂ©cidĂ©e Ă  rester.

- « Va-t’en. »
- « Non. »
- « Je suis ton suzerain. Tu me dois obéissance comme tu le devais à PÚre. Alors fais ce que je te dis. »
- « PÚre me cédait toujours en tout. Tu sais à quel point je savais le harceler pour obtenir ce que je voulais. »
Il eut un petit rire triste.
- « Oui, tu as toujours Ă©tĂ© trĂšs
 tĂȘtue. »
- « Ca ne changera pas aujourd’hui. Je refuse de te laisser te faire massacrer sans rien faire. J’ai dĂ©jĂ  perdu un pĂšre, je refuse de te perdre toi aussi. Comme toi, j’ai Ă©coutĂ© PĂšre et ses lĂ©gendes. Comme Ă  toi, il m’a appris l’honneur, le courage. Et je sais aussi que si nos rĂŽles avaient Ă©tĂ© inversĂ©s, tu serais exactement en train de me rĂ©sister comme je le fais actuellement. »
Il se tourna alors vers moi, avec les yeux brillants et ce petit sourire fin que j’aimais tant chez lui.
- « Je voudrais te dire
 je suis fier d’avoir une sƓur telle que toi. N’oublie jamais que je t’aime. Et pardonne-moi si tu le peux. »
- « Excuse-moi ? »
Il me gifla à la volée. De toute ses forces. Je fus complÚtement sonnée.
Il me rattrapa alors que je perdais pied ; et dans un brouillard complet, je ne pus qu’assister impuissante Ă  la scĂšne. Je le vis me porter jusqu’à une des charrettes de rĂ©fugiĂ©s, me tendre Ă  Mahin’nil, puis annoncer simplement Ă  Ethan qu’il Ă©tait maintenant le nouveau chef de famille, et qu’il lui faisait confiance pour prendre soin de moi.
Ethan jura sur son honneur de faire ainsi, et mes deux frùres s’embrassùrent de longues minutes.

Puis tout s’embrouilla, alors que je luttais pour rester consciente. Le convoi s’ébranla, nous quittĂąmes le village. Je ne vis pas Kaios, mais Ethan me raconta par la suite qu’il Ă©tait restĂ© longtemps debout, sur la barricade, Ă  nous regarder partir. Ce fut la derniĂšre image qu’il eut de son frĂšre ainĂ©, celle d’un homme, et non plus un enfant ; celle d’un guerrier valeureux et digne de porter le nom de son PĂšre, l’épĂ©e familiale Ă  la main, transcendĂ© par le sacrifice qu’il s’apprĂȘtait Ă  accomplir.
Moi, il ne me restait de lui que ce dernier regard que nous avions Ă©changĂ©. Un visage qui me hanterait dĂ©sormais toutes mes nuits, le visage d’un homme au sourire fin et triste, et aux yeux incroyablement clairs et brillants.
Je ne l’ai compris qu’aprùs.
Brillants, parce que remplis de larmes.


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" Ne vous jugez pas... Il y a tellement de gens en ce monde qui se feront un plaisir de le faire pour vous."

 

#13 14-02-2008 10:07:05

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 3 – DESILLUSIONS – 2e Partie


La marche dura deux jours, deux longs jours silencieux et irréels. Deux jours dans le froid, l'humidité et la vermine. Deux jours de faim et de souffrance. Souffrance physique, bien sûr. Mais aussi morale.
Chacun d'entre nous avait un Ă©tau qui lui enserrait le cƓur. Chacun d'entre nous avait l'esprit irrĂ©mĂ©diablement attirĂ© vers le village. Et chacun d'entre nous ne trouvait la force de continuer que pour ceux qui restaient.
Ethan fit de son mieux pour me rĂ©conforter. Mais lui mĂȘme n'Ă©tait pas des plus brillants. Dieux, mais nous n'Ă©tions que des enfants !!! J'avais quatorze ans, Ethan douze! Nous n'avions pas Ă  subir tout cela. Nous Ă©tions trop jeunes ! Nous avions le droit Ă  l'innocence, nous avions le droit d'ĂȘtre heureux, nous avions le droit encore Ă  l'enfance ! Les Dieux Ă©taient cruels de nous imposer une telle Ă©preuve. Qu'avions nous fait? Qu'avions nous pu faire pour mĂ©riter de souffrir ainsi? Dieux... ĂŽ Dieux !

Nous débouchùmes enfin sur l'un des Hauts Plateaux qui dominait la vallée. Nous étions harassés, perdus, et tremblants, et pourtant nous nous précipitùmes vers le panorama qui s'étendait sous nos pieds.
La vue Ă©tait splendide, on voyait toute la naissance de la vallĂ©e du Lorndor. Un patchwork de couleurs vertes, jaunes et brunes s'Ă©talait dans le lointain. Les champs de la plaine de Tiranne. Quelques forĂȘts dissĂ©minĂ©es ça et lĂ  apportaient une touche de solennitĂ© et de fraĂźcheur au dĂ©cor. Un long ruban scintillant serpentait de l'une Ă  l'autre, nonchalamment. La riviĂšre bien sĂ»r.
Et au centre... une colonne de fumée. Noire.

J'avais le cƓur au bord des lĂšvres. Notre village... il n'en restait rien. Que des ruines fumantes, Ă©clairĂ©es par quelques brasiers rougeoyants, ça et lĂ , dans le crĂ©puscule naissant. A l’extrĂ©mitĂ©, notre demeure n’avait pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e. Elle avait du ĂȘtre saccagĂ©e en dernier, car l’incendie la ravageait encore.

- « Ils sont partis. » La voix de Mahin’nil nous tira brusquement du cauchemar oĂč nous Ă©tions plongĂ©s, et le retour Ă  la rĂ©alitĂ© permit Ă  certains d’entre nous de se laisser aller Ă  leur chagrin.
Mais cette fois, il n’y eut pas d’explosion de colĂšre. Pas de cris, de pleurs bruyants, de manifestation de souffrance. C’était trop. Il n’y avait que de la honte d’ĂȘtre encore en vie, de la rĂ©signation pour la perte des ĂȘtres chers, et des larmes silencieuses qui coulaient sur les visages.

- « Comment pouvez vous le dire ? Il fait sombre et nous sommes trop loin pour cela ! Et qu’est ce qui vous dit qu’ils ne sont pas sur nos traces dans la forĂȘt ? » Ma voix Ă©tait rendue rauque par le chagrin, la fatigue et l'effort. Kaios aurait bien ri en m’entendant parler ainsi !
Kaios


- « Parce que nos yeux sont plus perçants que les vĂŽtres, Demoiselle. Je peux voir d’autres fumĂ©es vers l’Ouest. »
- « Ces dĂ©mons sont vraiment stupides. Ils laissent derriĂšre eux une piste plus visible que si elle avait Ă©tĂ© indiquĂ©e par des panneaux. » La voix d’Ethan me glaça l’échine ; elle Ă©tait devenu atone. Rien ne transparaissait, contrairement Ă  moi, des sentiments qui pouvaient l’agiter. Rien d’autre qu’une froide indiffĂ©rence. Ses yeux Ă  lui Ă©taient secs. Et dĂ©sespĂ©rĂ©ment vides.

...

Nous attendümes encore une nuit et un jour avant d’entamer la descente vers notre village
 ou ce qu’il en restait.
Comment ? Comment dĂ©crire l'horreur de la scĂšne? Que dire? Les pauvres habitations, Ă©ventrĂ©es, noircies? La place principale du village, avec la petite fontaine au centre, entiĂšrement pulvĂ©risĂ©e? Les fragiles barricades que mon frĂšre et les villageois avaient Ă©rigĂ©es, complĂštement enfoncĂ©es et Ă©parpillĂ©es sur des dizaines de mĂštres aux alentours? Les odeurs entremĂȘlĂ©es du sang, du bois brĂ»lĂ© et de la mort? Comment de simples mots pourraient-ils reflĂ©ter la moindre parcelle de ce que nous Ă©tions en train de vivre? C'Ă©tait indescriptible. Seul ceux qui ont dĂ©ja vĂ©cu ou vu cela comprendront ce que j'essaie de dire ici.
A la porte Est du village, nous les trouvĂąmes. Les corps. MutilĂ©s. MassacrĂ©s. Ils n'Ă©taient pas simplement morts, non. Ils Ă©taient... ils Ă©taient anĂ©antis. J'avais dĂ©ja vu un mort; ils semblent dormir, sont en paix avec eux-mĂȘmes, et leur visage reflĂšte une sĂ©rĂ©nitĂ© peu commune. Mais dans un mĂȘme temps, ils sont encore lĂ . Parce que leurs corps sont intactes et correspondent au souvenirs que nous en avions du temps de leur vivant.
Mais là... beaucoup d'entre nous ne supportÚrent pas la vue de ces horreurs. Les résistants avaient été mutilés par plaisir. Uniquement par plaisir.
Nous commençames le terrible travail de recensement des morts. Dans un silence pesant, entrecoupé parfois par un sanglot étouffé lorsqu'un proche retrouvait l'un des siens. Puis, en retournant un des corps, je fus frappée au coeur. Je les vis.
Deux yeux gris perçants.
Kaios.
Et pourtant, ça n'Ă©tait pas lui. Non. Je ne pouvais retrouver en ce pantin dĂ©sarticulĂ© et blĂȘme, le frĂšre rieur et joueur, plein de vigueur et de joie, que j'avais toujours connu. Je ne pouvais pas pleurer. Cette chose qui Ă©tait devant moi m'Ă©tait inconnue. C'Ă©tait n'importe qui. Sauf qu'il avait les yeux de mon frĂšre, les yeux des De Parravon. C'Ă©tait ça qui me gĂȘnait, bien plus que l'horrible balaffre noire qui traversait son torse. Prise d'une impulsion, je lui fermais les yeux. Toute suite je me sentis mieux. Comme cela, ça n'Ă©tait plus du tout mon frĂšre. Mon frĂšre demeurerait intact dans mes souvenirs, tel que je l'avais toujours connu

Les corps furent brûlés, car nous étions trop peu nombreux pour pouvoir les enterrer. Mes yeux ne quittÚrent pas les flammes, depuis la naissance des premiÚres flammÚches, jusqu'à l'extinction totale du brasier. La nuit était déja bien avancée, lorsque nous nous nous effondrùmes dans les habitations les moins touchées, pour tenter de prendre un peu de repos, entrecoupé de terribles cauchemars.

...

Le lendemain matin nous fĂ»mes rĂ©veillĂ©s par Mahin’nil. Il avait mis Ă  profit la nuit pour partir en reconnaissance dans les Montagnes, et il Ă©tait tombĂ© sur un groupe d'Ă©claireurs elfes. Il les avait mis au courant de notre situation, et les Ă©claireurs Ă©taient repartis vers leurs troupes pour les prĂ©venir. Mahin’nil Ă©tait redescendu vers nous pour nous tenir au courant; nous devions ĂȘtre prĂȘts pour l'arrivĂ©e de ces troupes.
Effectivement, elles arrivĂšrent deux heures plus tard. Il s'agissait des renforts dont nous avait parlĂ© Fala'as; ils avaient dĂ©cidĂ© de poursuivre les troupes dĂ©moniaques, pour les exterminer et venger leurs frĂšres par la mĂȘme occasion. Une bonne centaine de soldats, cavaliers, archers et fantassins.Terriblement impressionants avec leurs armes, leurs armures, et leur calme froideur. Ils entrĂšrent dans le village par la porte Est et dĂ©filĂšrent devant notre petit groupe. Le commandant en chef vint saluer Ethan, puis me salua. Il nous expliqua que ses troupes allaient se reposer quelques heures au village, en Ă©change de quelques soins pour les plus atteints d'entre nous. Je regardais mon frĂšre Ă  la dĂ©robĂ©e. Pour la premiĂšre fois depuis une semaine, je voyais quelque chose briller dans ses yeux, et cela me mit mal Ă  l'aise sans que je sache pourquoi.
Lorsque je quittais le commandant, Ethan Ă©tait en pleine discussion animĂ©e avec lui. Je retournais vers mes compatriotes, sous une tente offerte par nos alliĂ©s du moement, soulageant leurs douleurs du mieux que je le pouvais. Surtout le vieux Aaron. Il avait attrapĂ© une bien mauvaise toux, dont Mahin’nil m'avait fait comprendre qu'elle serait surement fatale. Surtout que le vieil homme avait tout perdu, et n'avait plus envie de se battre.

Deux heures aprÚs, les troupes elfiques levaient le camp. Les troupes d'élite étaient déja parties, seuls restaient encore les manoeuvres qui démontaient le camp. Je cherchai mon frÚre du regard, mais je ne le vis pas. Je commençai à faire le tour du camp de fortune; il devait surement aider au repliement des tentes.
Mais non, rien. Je ne comprenais pas, oĂč pouvait-il bien ĂȘtre? Peut-ĂȘtre Ă©tait-il retournĂ© Ă  notre ancienne demeure... Je courus Ă  en perdre haleine, m'imaginant mille et un scĂ©narii possibles. Je criais son nom, en parcourant les ruines du domaine. Mais il n'y Ă©tait pas.
Je redescendis au village, les derniers chariots elfes se préparaient à partir.
Je voulus courir jusqu'Ă  eux, mais Mala, la femme d'Aaron m'arrĂȘta dans ma course.

- " Demoiselle, y faut qu'je vous dise..."
- "Plus tard, Mala, je cherche le Seigneur Ethan..."
- " Ben justement Demoiselle... c'est que..."
- " Parle voyons! " Je lui pris le bras, un peu plus vivement que je ne l'aurais souhaité. "Il lui est arrivé quelque chose? Dis moi!"
- " Et ben... il ..."

******

Sheitana sursauta. La grande horloge sonnait dix heures. Dix heures déja !! Il était plus que temps pour elle de regagner sa chambre. Inutile d'éveiller les soupçons de sa mÚre avec des cernes sous les yeux !
Mais, laisser lĂ  le cahier... C'Ă©tait un vrai supplice!
Finalement, elle prit sa dĂ©cision. Elle enfourna le cahier dans sa besace. S'il avait Ă©tĂ© si mal classĂ© (avec les romans, non avec les documents historiques) c'est qu'il ne devait pas ĂȘtre important aux yeux de Lhorne, le bibliothĂ©caire. Puis elle se leva et trottina jusqu'Ă  la salle des archives.
Celle-ci était localisée dans une haute tour, attenante à la bibliothÚque. A l'intérieur s'élevait une imposante structure en bois, hélicoïdale. Un gigantesque escalier en bois permettait d'accÚder au sommet ainsi qu'aux documents entassés sur les planches d'immenses étagÚres.

Sheitana grimpa les deux tiers de l'escalier, puis ouvrit une des lucarnes qu'elle avait devant elle. Elle donnait directement sur la face du toit qui correspondait Ă  sa fenĂȘtre de chambre. Agilement, elle se glissa dehors et tira la lucarne vers elle pour la refermer . Si peu de monde passait dans cette salle, que personne ne verrait la fenĂȘtre ouverte. Puis elle regagna sa propre chambre par le toit, avec prĂ©caution, et se glissa dans son lit avec un soupir de bien ĂȘtre, non sans avoir mis l'abri les preuves de son dĂ©lit.
Son sommeil fut immĂ©diat, et pleins de rĂȘves.

Dernière modification par syhl (05-03-2008 08:41:51)


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#14 02-03-2008 01:04:43

Lithium
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

La suite ? ^^


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#15 03-03-2008 22:39:36

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

ça vient dsl ^^


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#16 05-03-2008 08:37:13

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

La petite fille ne décolérait plus.
Sa mĂšre avait faillit dĂ©couvrir ses petites escapades interdites; et si elle n’avait pu dĂ©terminer avec prĂ©cision les activitĂ©s nocturnes de sa fille, de sĂ©rieux indices lui prouvaient que quelque chose se tramait dans son dos.

D’abord, l’enfant en elle-mĂȘme. La petite Sheitana avait en effet de plus en plus de mal Ă  se lever le matin, avait les yeux cernĂ©s, et la qualitĂ© de ses exercices de broderie se dĂ©gradait indĂ©niablement jour aprĂšs jour, selon sa mĂšre ; alors qu’elle-mĂȘme, lorsqu’elle avait son Ăąge, rĂ©alisait dĂ©jĂ  ses premiers tableaux.
Puis, son comportement. Dame AlĂ©ria n’aimait pas du tout cette petite Ă©tincelle qu’elle voyait dans les yeux de sa fille depuis environ un mois. DĂšs qu’elle lui faisait une remarque sur sa façon de se comporter et sur la maniĂšre de tenir son rang, la petite relevait brusquement la tĂȘte et la fixait en silence quelques instants, avec un regard dur comme elle ne lui avait jamais connu ; mais dĂšs que la Dame Ă©tait sur le point de lui demander de baisser les yeux, Sheitana dĂ©tournait la tĂȘte et fuyait le regard de sa mĂšre.
Enfin, son attitude. La petite fille s’était brusquement renfermĂ©e sur elle-mĂȘme, ne se confiait plus Ă  sa nourrice, ne manifestait plus l’envie de rejoindre ses frĂšres en douce. Elle restait au-delĂ  des heures permises avec son prĂ©cepteur, et l’interrogeait sans cesse sur les Ă©vĂšnements du 5e Âge, avec une telle insistance que la Dame Ă©tait outrĂ©e de ce manque de savoir-vivre.

En guise de punition, et pour la « remettre dans le droit chemin », sa mĂšre lui avait fait confisquer ses manuels d’Histoire et de GĂ©ographie Lorndorienne, arguant toujours que « trop de savoir nuit Ă  l’esprit qui n’est pas fait pour le recevoir ».
Et pour bien marquer le coup, elle avait fait changer les serrures de la Grande BibliothĂšque.

Ce qui avait mis Sheitana dans une telle fureur. Finies, les sorties nocturnes, les récits enivrants, les romans à suspens, toutes ces connaissances à la fois délicieuses et si attirantes

Heureusement, ma Dame sa mĂšre n’avait pas pensĂ© Ă  faire fouiller sa chambre, sinon elle aurait aussi trouvĂ© le fameux petit cahier noir
 prĂ©cieux petit cahier, que la jeune Sheitana venait de ressortir de sous sa couche, et dans lequel elle se replongeait avidement maintenant, Ă  la lueur de la derniĂšre torchĂšre de sa chambre.


******

- « Demoiselle, y faut qu'je vous dise... »
- « Plus tard, Mala, je cherche le Seigneur Ethan... »
- « Ben justement Demoiselle... c'est que... »
- « Parle voyons! » Je lui pris le bras, un peu plus vivement que je ne l'aurais souhaité. « Il lui est arrivé quelque chose? Dis-moi! »
- « Et ben... il est parti, Demoiselle
 »

La foudre s’abattant sur un arbre prĂšs de moi ne m’aurait pas plus pĂ©trifiĂ©e que les mots que venaient de prononcer la vieille Mala. Je voyais des larmes rouler sur ses vieilles joues ridĂ©es, et sa lĂšvre tremblait pendant qu’elle me parlait.
- « Il est 
 parti ? 
 »
- « Oui, Demoiselle
 L’est parti se battre avec les Longues Oreilles. Y savait bien que vous ne l’auriez pas laissĂ© partir, pour sĂ»r, il a Ă  peine 12 ans, not’ Seigneur, mais y m’a donnĂ© l’ordre, alors, j’ai pas pu l’ret’nir, ‘comprenez, Demoiselle ? »
J’étais abasourdie, je ne pouvais qu’entendre les paroles de la vieille femme, qui me semblaient venir de trĂšs loin. Une brume paralysait mes pensĂ©es, je n’arrivais pas Ă  comprendre ces trois mots : il est parti.

- « L’était beau, Demoiselle, avec l’épĂ©e de feu vot’pĂšre. L’a dit qu’y penserait bien Ă  vous, et qu’vous entendrez un jour son nom dans tout not’pays. L’a dit aussi qu’y r’viendrait vers vous, quand il aura redressĂ© vot’nom. Y m’a d’mandĂ© d’veiller sur vous, pour sĂ»re, et d’aller chez un d’nos voisins, le Seigneur Arnault de Kellegen ou le Seigneur Jehan de Latour. Y vous y r’trouv’ra Ă  la fin de la guerre, pour sĂ»re. »

...

C’est le soir, seule, assise prĂšs du maigre feu de camp, la tĂȘte sur mes genoux, que je pris ma dĂ©cision. Je savais dĂšs cet instant que je ne reverrais plus jamais Ethan (et jusqu’à prĂ©sent, en dĂ©pit de mes recherches, cette certitude s’est tristement rĂ©vĂ©lĂ©e exacte.) Pour une raison que j’ignorais, les Dieux nous avaient abandonnĂ©s. Ma famille n’était plus, j’étais la seule encore vivante Ă  porter son nom, seule reprĂ©sentante d’un clan moribond, et qui mourrait fatalement avec moi ; que je vienne Ă  mourir, ou que j’épouse un riche Seigneur, ma lignĂ©e viendrait irrĂ©mĂ©diablement Ă  disparaĂźtre.

Alors pourquoi attendre ? A ce moment lĂ , j’étais convaincue qu’il ne me restait que peu de temps Ă  vivre, alors, plutĂŽt que de me laisser glisser doucement vers le Destin qui m’avait Ă©tĂ© promis (du moins, je le croyais), je dĂ©cidais d’aller au devant de lui. Il m’était trop douloureux d’attendre dans le chagrin et la souffrance que s’écoulent les heures qui me sĂ©pareraient de la dĂ©livrance, du moment oĂč je pourrais aller retrouver les miens dans un monde meilleur. Autant prĂ©cipiter ma fin, quelle qu’elle ait pu ĂȘtre.

En silence, profitant que mes camarades d’infortune commençaient Ă  s’endormir, je me levais. J’allais un peu en retrait, seller une des juments Ă  peu prĂšs en Ă©tat que nous avaient laissĂ©es nos « sauveurs » elfes ; puis je pris quelques provisions, que j’installais dans les fontes de la selle, et une Ă©pĂ©e en assez mauvais Ă©tat, que je pus trouver sur le tas des armes qui avaient appartenus Ă  nos chers disparus. Puis je montais en selle, et tournant rĂ©solument le dos au feu protecteur, synonyme de chaleur et d’humanitĂ©, sans un regard pour ceux que j’avais aimĂ©s, je m’enfonçais dans la nuit noire, en direction du Sud.

A partir de ce moment-là, j’abandonnais mon nom.
Je n’étais plus que Dame Syhl.

Dernière modification par syhl (05-03-2008 08:43:36)


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#17 07-03-2008 19:39:54

Gelwin
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Ne t'arrete surtout pas ! (enfin si pour Ă©crire ^^") J'adore !! big_smile


désolé ^^

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#18 12-03-2008 09:26:03

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 4 – SOMBRES ERRANCES.


Pendant prĂšs d’un an, j’ai errĂ© sur les Terres du Lorndor, comme une ombre. Je ne vivais que grĂące Ă  des larcins et Ă  des piĂšges posĂ©s en forĂȘt. Je n’avais aucun projet, j’avançais sans but, uniquement portĂ©e par l’espoir de retrouver les miens. Cette pĂ©riode de ma vie n’est pas de celle qui furent les plus glorieuses, et dont je peux me vanter. Mais mĂȘme les heures les plus sombres de nos existences mĂ©ritent d’ĂȘtre extraites et mises Ă  jour ; car notre ĂȘtre est fait de cĂŽtĂ© sombre et de lumiĂšre, de bonnes actions et d’actes plus vils. Nous sommes une dualitĂ© que nous devons assumer.

C’est pendant cette errance que je me suis construite. Physiquement, j’ai beaucoup changĂ©. Mon corps habituĂ© Ă  la douceur des plumes se retrouvait confrontĂ© la duretĂ© du sol. Mon cƓur accoutumĂ© Ă  la prĂ©sence ininterrompue de mes frĂšres se retrouvait plongĂ© dans une incroyable solitude. Mon esprit toujours entourĂ© de musique et de poĂ©sie Ă©tait soudainement noyĂ© au cƓur d’un silence glacĂ©, entrecoupĂ© par des bruissements, des craquements et des grognements tous plus inquiĂ©tants les uns que les autres.
J’ai perdu beaucoup de poids Ă  devoir chasser sans relĂąche, mes sens se sont aiguisĂ©s Ă  force de traques et de poursuites. Sans compter le nombre de fois oĂč j’ai du me dĂ©fendre. Et pas seulement contre des animaux sauvages.
D’autres prĂ©dateurs, bien plus dangereux encore parce que plus familiers rodaient autour de moi.

La premiĂšre attaque fut celle qui me marqua le plus, par sa brutalitĂ© et son caractĂšre inattendu. Non pas que je me sois par la suite habituĂ©e Ă  cela – on ne s’habitue jamais vraiment Ă  devoir dĂ©fendre sa vie Ă  chaque seconde – mais cette premiĂšre fois m’avait ouvert les yeux, elle m’avait permis de prendre conscience que cela pouvait m’arriver encore une fois.

Cela s’est passĂ© en dĂ©but d’aprĂšs-midi, un jour en automne. Je ne peux donner la date prĂ©cise, car la solitude m’avait fait perdre la notion du temps ; mais cela faisait quelques mois dĂ©jĂ  je pense que j’avais quittĂ© mes terres. Je terminais ma tournĂ©e habituelle pour relever quelques collets que j’avais placĂ©s çà et lĂ , espĂ©rant trouver quelque chose qui calmerait ma faim. Et pour une fois, le piĂšge n’était pas vide. Un jeune lapereau presque aussi maigre que moi s’y Ă©tait laissĂ© prendre. AttachĂ© par une patte, il avait du essayer dĂ©sespĂ©rĂ©ment de s’enfuir pendant des heures, puis avait fini par renoncer, d’épuisement sans doute, car il ne bougea presque pas Ă  mon approche. Enfin, j’allais pouvoir faire un repas convenable. Et tandis que je m’agenouillais pour rĂ©cupĂ©rer ma proie, il me fixa de ses yeux noirs, immobile, ses flancs se soulevant de plus en plus rapidement Ă  mesure que le rythme de son cƓur s’accĂ©lĂ©rait.
Soudain, un bruit de feuilles froissĂ©es me fit sursauter, et je relevais la tĂȘte, en alerte. Devant moi se tenait un ĂȘtre misĂ©rable, qui avait du ĂȘtre un homme autrefois, mais qui n’était plus qu’une bĂȘte Ă  demi-sauvage en haillons, une bĂȘte qui me fixait de ses yeux fous, ou plutĂŽt qui fixait ma capture avec un regard dont le sens ne m’échappa pas.

Nous restĂąmes ainsi une seconde immobiles, chacun ayant compris les intentions de l’autre, chacun sachant que cet animal reprĂ©sentait le salut pour l’un de nous deux. En cet instant nous n’étions plus deux ĂȘtres humains, nous Ă©tions deux concurrents sur le mĂȘme maillon de la chaĂźne alimentaire, deux prĂ©dateurs face Ă  une seule proie. L’issue Ă©tait inĂ©vitable.

C’est lui qui se jeta le premier sur moi, avec un hurlement frĂ©nĂ©tique et dĂ©sarticulĂ©, les mains tendues. A cause de son poids et de ma faiblesse, je basculais en arriĂšre, et nous roulĂąmes sur le sol comme deux bĂȘtes enragĂ©s. Il rĂ©ussit Ă  prendre le dessus sur moi, et je sentis avec effroi ses mains enserrer mon cou et se refermer avec violence. TrĂšs rapidement je commençais Ă  suffoquer, essayant vainement d’arracher ses doigts crochus de mon cou, mais sa prise Ă©tait solide et mes efforts vains m’affaiblissaient de plus en plus. Je rassemblai mes derniĂšres forces et rĂ©ussit Ă  lui porter un coup en pleine face qui le fit hurler et lĂącher prise. Aspirant avidement une bouffĂ©e d’air frais qui me fit l’impression d’avaler du feu, je roulais sur le cĂŽtĂ© et me relevais en titubant, cherchant ma dague Ă  ma ceinture, tandis que mon adversaire se relevait Ă  son tour, les traits crispĂ©s par la douleur et la haine, le nez ensanglantĂ©. Il se mit Ă  me tourner autour, comme un fauve, restant soigneusement hors de portĂ© de ma lame, cherchant la moindre faille pour m’attaquer. Je suivais ses cercles infernaux pour ne jamais le quitter du regard, tout en manƓuvrant pour me placer dos Ă  l’arbre prĂšs duquel Ă©tait placĂ© le collet.
Rapidement, l’homme comprit mon manĂšge, et il bondit avec un grognement. De nouveau nous nous empoignĂąmes, et je rĂ©ussis Ă  lui porter un coup Ă  l’épaule avant qu’il ne bloque mon poignet et ne le torde violemment, m’obligeant Ă  lĂącher ma dague, qui tomba Ă  mes pieds. Ainsi bloquĂ©e, il m’envoya son poing dans la figure, et je tombais comme une masse, un voile noir devant les yeux.

Je sentis en cet instant que je n’arriverais pas Ă  avoir le dessus dans ce combat, et je tentais une manƓuvre dĂ©sespĂ©rĂ©e pour dĂ©tourner l’attention de mon assaillant. Je rĂ©cupĂ©rai ma dague et, au moment oĂč mon agresseur m’attrapait par les cheveux, je tranchais le lien qui retenait le lapereau captif. Celui-ci s’enfuit sans demander son reste, au grand dam de l’homme qui se mit Ă  hurler de rage et de frustration.
Je crus qu’il allait se lancer Ă  sa poursuite, mais il n’en fit rien. J’eus soudain le souffle coupĂ© par une violente douleur dans les cĂŽtes, qui me fit relĂącher ma dague, et une force me fit rouler sur le dos, face Ă  lui. Il venait de m’envoyer son pied dans les cĂŽtes. Je levais instinctivement les bras pour me protĂ©ger de la prochaine attaque, mais elle ne vint pas. Rouvrant les yeux, je vis mon assaillant qui semblait un instant interloquĂ©, puis son regard changea. De l’étonnement, il passa Ă  la convoitise. Il me fixait du regard, l’Ɠil mauvais, avec un rictus qui devait passer pour un sourire malsain. Je rĂ©alisais soudain que, au cours du combat, le chignon qui retenait mes cheveux s’était dĂ©fait, libĂ©rant ma criniĂšre blonde ; de plus, le pourpoint Ă©limĂ© et tachĂ© que je portais avait Ă©tĂ© dĂ©chirĂ© sur le devant, rĂ©vĂ©lant ainsi ma vraie nature Ă  mon agresseur.

Cette partie du combat est de loin la souillure la plus honteuse que j’eus jamais Ă  subir. Je ne l’ai jamais racontĂ©e Ă  qui que ce soit, mais je ne sais si c’est par honte ou par lĂąchetĂ©. J’ai longtemps portĂ© ce fardeau sur ma conscience, comme un crime que j’aurais commis, alors que dans l’histoire j’étais la victime et non la coupable. Il m’a fallut du temps pour le comprendre, et aujourd’hui je tiens Ă  en parler, pour pouvoir affronter mes dĂ©mons et oublier cette horreur une bonne fois pour toute.

De nouveau mon agresseur se jeta sur moi, mĂ» par un autre dĂ©sir que celui de me tuer. Il m’immobilisa les bras d’une main et s’allongea de tout son long sur moi, m’entravant de son propre poids. Dans son excitation il me soufflait son haleine fĂ©tide au visage, et je me mis Ă  hurler lorsque je sentis brusquement sa main libre fouiller sous ma tunique pour dĂ©faire ma ceinture. J’essayais de me dĂ©battre, mais sa poigne Ă©tait solide, et sa force comme dĂ©cuplĂ©e par son dĂ©sir. De frustration il termina de dĂ©chirer ma tunique, puis il se souleva trĂšs lĂ©gĂšrement pour se dĂ©faire de ses propres vĂȘtements.
Instinctivement, je sus que ce serait ma seule occasion. Rassemblant toute mon Ă©nergie, je rĂ©ussis Ă  lui envoyer le plus beau coup de genoux de toute ma vie, avec un hurlement comme je n’en avais jamais poussĂ©. Je le vis devenir livide et s’effondrer en boule, sur le cĂŽtĂ©, et tout son corps Ă©tait secouĂ© de tremblements spasmodiques. Dans un demi-dĂ©lire, je rĂ©cupĂ©rais ma dague et me jetais sur lui.
Ce qui se passa ensuite fut indescriptible. J’avais l’impression qu’une autre que moi agissait. J’étais lĂ  en simple spectatrice, contemplant l’Ɠuvre d’une folle furieuse hystĂ©rique et dĂ©chainĂ©e.
Lorsque je repris pleinement possession de mes moyens, mes mains Ă©taient couvertes de sang et crispĂ©es autour de la dague. J’étais agenouillĂ©e auprĂšs de mon agresseur, Ă©gorgĂ© et dĂ©figurĂ©, percĂ© par d’innombrables coups de poignard, Ă©talĂ© dans une mare de sang.
J’ai mis un moment Ă  rĂ©aliser que c’était moi qui avait fait tout cela. HorrifiĂ©e, choquĂ©e, j’ai lĂąchĂ© mon arme, et je me suis enfuie, loin, trĂšs loin.

J’avais tuĂ© un homme. Plus que cela, je l’avais massacrĂ©. En cela j’étais pire qu’un animal.
J’étais au bord de la dĂ©mence.


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#19 14-04-2008 11:22:18

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 5 – UNE LUMIERE DANS LA NUIT.


Combien de temps cette folie a-t-elle durĂ© ? Combien de temps ai-je errĂ© ainsi, comme une bĂȘte, incapable de penser Ă  autre chose qu’à ma survie et Ă  mon prochain repas ? Combien de temps ai-je passĂ© Ă  dĂ©fier la mort Ă  chaque secondes, me raccrochant dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă  la vie, alors qu’à la base paradoxalement, je n’avais quittĂ© les hommes que pour me laisser mourir et rejoindre les miens qui m’attendaient lĂ -haut. Il est incroyable de voir Ă  quel point l’instinct de survie peut relĂ©guer au second plan toute possibilitĂ© de raisonner
 Aujourd’hui je bĂ©nis cette faiblesse d’ñme qui m’a permis de rester sur ces Terres, et de vivre les moments merveilleux que j’ai connus depuis.

Si je n’ai que peu de souvenirs de l’époque sombre que je venais de traverser, je me souviens nĂ©anmoins de la maniĂšre dont elle a fini.
C’était lors d’une fin d’aprĂšs-midi au dĂ©but de l’hiver. La fraĂźcheur nocturne commençait Ă  se faire sentir, et la nuit promettait d’ĂȘtre froide. En prĂ©vision de l’hiver, j’avais changĂ© mon « terrain de chasse » habituel, pour me rapprocher des hameaux voisins ; plus proche des hommes, plus proche de la nourriture.
Ce soir lĂ , affamĂ©e, j’épiais depuis un buisson une maison relativement Ă©loignĂ©e des autres, essayant de repĂ©rer une entrĂ©e dĂ©robĂ©e, guettant une occasion, lorsque soudain je vis des lumiĂšres s’allumer aux fenĂȘtres, puis une voix, des cris, et soudain des silhouettes se levĂšrent dans le jardin et se mirent Ă  courir vers la forĂȘt. Quelques secondes aprĂšs, les cris se firent plus virulents, et une demi-douzaine de personnes surgit Ă  l’angle de la maison, portant des torches et se lançant Ă  la poursuite des fuyards.

Pour moi, l’occasion Ă©tait trop belle. Je pouvais me glisser aisĂ©ment dans la maison et dĂ©rober des provisions, et quelques vĂȘtements chauds. Avec prĂ©cautions, je me levais de mon buisson, courrais vers la maison dĂ©sertĂ©e par ses occupants, et entrais sans me faire voir. Je rĂ©ussis Ă  trouver du pain, un jambon Ă  demi-entamĂ© et une Ă©paisse couverture, que je fourrais dans une besace en toile qui trainait par terre.
Cela ne me prit que quelques minutes, et je ressortais de la maison lorsque j’entendis de nouveaux les voix. Les propriĂ©taires de la maison revenaient.
Je filais en douce avant d’ĂȘtre surprise et regagnait la lisiĂšre des arbres ; pour plus de suretĂ©, je m’enfonçais davantage au cƓur de la forĂȘt, impatiente Ă  l’idĂ©e de pouvoir enfin faire un repas convenable. J’avançais depuis quelques minutes Ă  peine lorsqu’elle me frappa les narines.
Je me figeais, les sens en alerte. Pas un bruit.
Et pourtant, elle Ă©tait lĂ .
Tenace.
Âcre.
Violente.
L’odeur de la chair qu’on brĂ»le


Je m’approchais, malgrĂ© la nausĂ©e qui commençait Ă  monter en moi. Plus j’avançais, et plus je voyais clairement des traces de lutte, de fuite : branchage brisĂ©es, brindilles foulĂ©es, buissons Ă©ventrĂ©s
 Puis des traces de sang
 des marques sur le sol, comme si on y avait trainĂ© une charge lourde
 et puis, finalement, alors que le terrain amorçait une lĂ©gĂšre pente, je les vis. Les corps.
Ils avaient Ă©tĂ© jetĂ©s en vrac, empilĂ©s dans un ravin et enflammĂ©s. Surmontant mon dĂ©goĂ»t, j’essayais d’identifier les choses qui se recroquevillaient sinistrement devant mes yeux, sous l’effet de la chaleur.
Des hommes. Et des femmes. Humains.
Probablement les personnes qui s’étaient enfuies dans le jardin.

Je ne comprenais plus. J’avais connu la haine entre les races. Moi-mĂȘme je haĂŻssais ces troupes chaotiques qui avaient pris les vies de mon pĂšre et de mon frĂšre Kaios, et je haĂŻssais les elfes pour m’avoir enlevĂ© le dernier membre de ma famille, mon frĂšre Ethan. Je pouvais admettre les divergences opposant deux peuples, deux cultures, deux modes de pensĂ©es
 Mais comment des humains pouvaient-ils faire subir de telles atrocitĂ©s Ă  leurs propres membres ? Comment deux frĂšres pouvaient-ils s’entretuer ainsi ?
ConsternĂ©e, je fis demi-tour pour quitter cet endroit sinistre et nausĂ©abond, pour essayer d’oublier cette vision d’horreur
 derriĂšre moi, se trouvait un enfant.
Une enfant, plus exactement. Une petite fille d’à peine huit ou neuf ans. Brune, maigre, habillĂ©e de guenilles, pieds nus, et blĂȘme, blafarde, la peau plus blanche que je ne l’aurais cru possible. Elle fixait le sinistre foyer, et son visage semblait ne reflĂ©ter aucune Ă©motion.


- « Qu’est-ce que tu fais lĂ  ? Reste pas lĂ , ce n’est pas un spectacle pour toi. Rentre chez toi, petite », lui dis-je.
Elle ne me rĂ©pondit pas, ne dĂ©tourna mĂȘme pas le regard vers moi. J’étais intriguĂ©e.

- « Eh, je te parle ? Tu es sourde ? Tu ne comprends pas ce que je te dis ? »
Agacée, je voulu lui prendre le bras pour attirer son attention. Je fus stupéfaite : sa peau avait la froideur du marbre.
- « Mais
 mais tu es gelĂ©e ! Comment tu t’appelles ? Tu es toute seule ? OĂč sont tes parents ? »

J’essayais de la frictionner pour raviver la circulation du sang sous sa peau, mais rien n’y faisait. Alors, avec un soupir, je m’accroupis prùs d’elle, sortis la couverture fraüchement acquise et en enveloppais la petite.
- « Tu ne parles pas, ou tu ne me comprends pas ?»

Pour une fois, la petite dĂ©tourna son regard et deux immenses yeux bleus perçants vinrent se vriller dans les miens, deux grands yeux muets accompagnĂ©s d’une foule de questions silencieuses. EncouragĂ©e par son intĂ©rĂȘt, je voulu faire une derniĂšre tentative.
- « Tes parents ? OĂč sont tes parents, petite ? »
- « Papa
 Maman
 »

La petite voix fluette me surprit, si bien que je faillis tomber à la renverse. La petite fille tendait un doigt dans une direction. Je n’avais pas besoin de me retourner pour savoir ce qu’elle pointait ainsi, pourtant, une force m’y obligea.
La petite désignait en plein le brasier.



J’avais emportĂ© l’enfant loin du brasier, loin de cette vision d’horreur, bien dĂ©cidĂ©e Ă  ne la garder que quelque temps avec moi. Le strict minimum. Cette enfant allait me gĂȘner dans mes futurs dĂ©placements. Pire encore, j’allais devoir nourrir deux estomacs, non plus un seul. J’allais devoir dĂ©nicher deux cachettes chaque soir. J’allais devoir protĂ©ger deux vies. J’avais dĂ©jĂ  bien assez Ă  faire avec ma propre personne, je n’allais pas m’encombrer en plus d’un poids mort

Heureusement, la grotte que j’avais dĂ©nichĂ©e Ă  ce moment-lĂ , entre deux Ă©boulis de rochers, Ă©tait suffisamment spacieuse pour nous accueillir toutes les deux. Il me restait une tunique drap grossier et Ă©pais, encore Ă  peu prĂšs mettable. Je dĂ©cidais d’en faire une robe pour la petite ; cela ne lui irait pas vraiment, mais au moins aurait-elle moins froid qu’avec les haillons qui lui couvraient Ă  peine le dos.

C’est lorsque je lui enlevais les derniers morceaux de tissu qui la couvrait que j’eus l’un des plus gros chocs de ma vie, et que je compris tout. Je compris la fuite de ces gens. Je compris la haine des villageois. Je compris le massacre et, surtout, je compris le brasier.
La petite avait la cage thoracique enfoncĂ©e, et une large plaie lui barrait l’abdomen. Et pourtant, elle Ă©tait toujours en vie. Mais nul cƓur ne battait dans sa poitrine, nul sang ne circulait dans ses veines.
C’était une non-morte.

Comme ses parents, Ă  ce que j’appris par la suite lorsqu’elle se confia Ă  moi. Bien qu’elle restĂąt Ă©vasive sur les circonstances, je compris que sa famille faisait partie d’une troupe de commerçants ambulants et qu’ils avaient essuyĂ© une attaque fatale de la part de brigands. Pour quelle raison ses parents et elle s’étaient relevĂ©s, avec trois de leurs compagnons ? Impossible Ă  dire. D’aprĂšs la petite, il y avait une semaine qu’elle se cachait avec ses parents. Rien d’étonnant Ă  ce que je me sois laissĂ©e prendre par son apparence la premiĂšre fois.
Je la contemplais alors qu’elle dormait, la tĂȘte sur mes genoux. HabillĂ©e, elle ressemblait Ă  n’importe quel enfant du mĂȘme Ăąge. Son visage Ă©tait si dĂ©tendu dans son sommeil, elle avait l’air si paisible.
Pauvre petite
Elle Ă©tait bien trop jeune pour quitter ce monde ; seulement voila, la seconde existence que les Dieux lui avait offerte se rĂ©vĂ©lait ĂȘtre plus un fardeau qu’un cadeau, dans ce monde qui n’était pas prĂȘt Ă  recevoir ses semblables.
« Quelle ironie
 alors que cette enfant cherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment Ă  survivre, moi, Ă©goĂŻstement, je n’aspire qu’à mourir
 »

Brusquement, je me rĂ©voltais de ma propre conduite. Quel droit avais-je pour refuser ce merveilleux cadeau qu’était la vie, alors que tant d’ĂȘtres innocents sur ces Terres en Ă©taient privĂ©s ? Qui Ă©tais-je pour penser pouvoir disposer Ă  ma guise du don des Dieux ?
Je me souvins alors de mon pĂšre, et imaginais son chagrin Ă  la mort de ma mĂšre. Et pourtant, il avait continuĂ© Ă  vivre. Mais pas pour lui, pour nous. Parce qu’il avait charge d’ñmes.
Tout comme moi, en ce jour. Les Dieux m’avaient ouverts les yeux en mettant cette enfant sur mon chemin, m’indiquant que ma vie ne m’appartenait pas. Je dĂ©cidais de la mettre au service de cette petite, je dĂ©cidais de tout faire pour rĂ©parer cette injustice, de me battre pour lui permettre de vivre. Parce qu’elle en avait autant le droit que n’importe quelle crĂ©ature en ce bas-monde.

Je décidais de recommencer à vivre.
Pour elle.


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#20 18-05-2008 16:40:06

Lithium
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

C'est fini ? sad


“There is nothing either good or bad, but thinking makes it so.”  (William Shakespeare)
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#21 18-05-2008 18:23:14

Gelwin
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Non je pense pas yikes


désolé ^^

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#22 26-05-2008 23:04:05

KazaF
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

Hehe, je viens de finir de lire le premier livre : LIVRE 1 - UN BONHEUR TOUT SIMPLE

A l'exception de quelques fautes de conjugaison et de frappes, le texte est formidable. Il faut avouer que c'est plutÎt agréable de lire ce que tu écris avant d'aller au lit, tu as mon admiration. wink


[WGT] Kazaf

 

#23 05-06-2008 12:06:12

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 6 – RENAISSANCES.


- «Viviel. »


La petite fille m’avait prise de vitesse, le lendemain matin. A mon rĂ©veil, je l’avais trouvĂ©e assise prĂšs de moi, penchĂ©e, attentive Ă  mon sommeil. Elle attendait ainsi depuis prĂšs d’une heure.
Embarrassée, je roulais rapidement le paquetage qui nous avait servi à passer la nuit, et sortis le reste du pain et du jambon pour prendre des forces avant de partir.
Et c’est lĂ  qu’elle m’avait posĂ© ses questions, ces exaspĂ©rantes questions enfantines qui s’enchaĂźnent en suivant une logique qui vous Ă©chappe et sur lesquelles vous n’avez aucune prise, ces inĂ©vitables questions que j’appris peu Ă  peu Ă  supporter patiemment, puis Ă  aimer, mĂȘme Ă  dĂ©sirer
 jusqu’à les regretter.


- « C’est vrai que je suis vivante ? »
- « 
 Evidemment
 »
- « Mhh. »

Un moment de silence.
- « Mais j’ai mouru avec papa et maman. »
- « Je suis morte avec papa et maman. Oui, c’est vrai. Tu Ă©tais morte, mais tu es redevenue vivante, en quelque sorte. »
- « Comme si j’étais encore nĂ©e, comme un bĂ©bĂ©. »
- « 
Mhh
 »
- « C’est le papa et la maman qui disent le nom du bĂ©bĂ©, hein ? »
- « < soupir exaspĂ©rĂ© > 
 Mais oui
 »
- « Mhh. »

Nouveau silence.
- « Dis
 »
- « < vraiment exaspĂ©rĂ© > 
 Quoi ??! »
- « 
 tu veux bien me donner un nouveau nom ? »
- « 
 ??? »

Je faillis lĂącher la timbale en fer blanc qui me servait Ă  boire, et me reprenant, je me tournai vers la petite.
Son visage Ă©tait fermĂ©, sĂ©vĂšre ; elle Ă©tait vraiment sĂ©rieuse, et je fus frappĂ©e de voir un tel esprit d’acceptation chez un enfant de cet Ăąge. Elle avait acceptĂ© sa nouvelle existence comme elle avait acceptĂ© sa mort
 Je n’avais jamais rencontrĂ© une personne qui ait un tel niveau de tolĂ©rance et d’ouverture d’esprit qu’elle. D’autres aurait considĂ©rĂ© cela comme de la naĂŻvetĂ©, moi je voyais plutĂŽt cela comme de la sagesse
 Peut-ĂȘtre Ă©tait-ce pour cela que les Dieux avaient figĂ© son existence. Pour que jamais cette petite fille ne grandisse, que jamais son esprit innocent et son cƓur pur ne soit confrontĂ© Ă  l’intolĂ©rance, Ă  la haine et Ă  la colĂšre, Ă  l’affrontement et au mĂ©pris, bref, Ă  tout ce qui rĂ©gissait notre monde d’adulte.


- « Viviel. »

A une petite fille admirable, je ne pouvais donner le nom que d’une femme admirable. La seule femme merveilleuse que j’aurais aimĂ© connaĂźtre plus. Ma mĂšre.

- « Viviel. C’est joli, on dirait une princesse. C’est qui, Viviel ? »
- « C’était le nom de ma maman. »
- « Elle était belle ta maman ?
- « Bien sĂ»r
 comme toutes les mamans du monde, tu sais
 »



Viviel fut ma lumiĂšre, le rayon de soleil qui parvint Ă  percer la noirceur de ma nuit de dĂ©mence et qui rĂ©chauffa mon cƓur glacĂ©. Elle sut rĂ©veiller en moi des sentiments que j’avais cru morts Ă  jamais. Elle devint mon attache, et je m’agrippais Ă  elle comme un naufragĂ© agrippe la planche Ă  laquelle il devra son salut. Je me surpris ainsi, un soir, Ă  la regarder dormir Ă  la lueur tremblotante des flammes, et Ă  remonter sur son Ă©paule la couverture de laine qui avait glissĂ© durant son sommeil.
Quelque chose en moi sentait que mon salut Ă©tait liĂ© Ă  cette petite chose fragile, qui comptait sur moi pour sa survie. L’instinct maternel ? L’attention d’une grande sƓur ? Peut-ĂȘtre un mĂ©lange de tout ça


Peu Ă  peu, malgrĂ© moi, je m’attachais Ă  sa prĂ©sence maladroite, au regard enfantin et naĂŻf qu’elle posait sur les choses. J’avais perdu les miens Ă  14 ans, avait sombrĂ© plus d’un an dans la dĂ©mence et la folie
 Si je ne me trompais pas, je devais avoir presque 16 ans lorsque son chemin croisa le mien. Je ne sais qui de nous deux avait le plus besoin de l’autre lorsque nous nous rencontrĂąmes ; mais ce qui est sĂ»r c’est que nous nous sauvĂąmes mutuellement. Deux retours Ă  la vie. Deux renaissances miraculeuses.


AuprĂšs de Viviel, je me sentais plus forte, plus confiante. Ensemble, nous commençùmes Ă  sortir des bois, Ă  revenir Ă  la civilisation. En deux ans, les choses n’avaient pas tellement changĂ©. La guerre, la faim, les impĂŽts
 restaient toujours les prĂ©occupations principales de chacun. Je faisais passer Viviel pour ma cousine (car nous Ă©tions trop dissemblables pour ĂȘtre sƓurs), Ă  la recherche d’un parent portĂ© disparu lors de la guerre ; ce qui n’était pas totalement faux, car j’avais encore l’espoir de retrouver mon frĂšre Ethan
 parfois nous croisions de vrais convois de rĂ©fugiĂ©s, et des souvenirs douloureux s’éveillaient en moi
 mais le regard confiant que m’adressait alors ma petite Viviel, et la pression de sa main dans la mienne chassaient bien vite ces images du passĂ©.


Ensemble, nous parcourĂ»mes les Terres du Lorndor pendant plusieurs saisons, jusqu’à ce que, par une chaude aprĂšs-midi d’étĂ©, je vis Ă  l’horizon des montagnes formant un paysage qui ne m’était que trop familier. Au fur et Ă  mesure de notre progression, je reconnus la vallĂ©e, puis les bois, puis la plaine, la riviĂšre
 et enfin, les vestiges de Thendalle
 les ruines de mon village.

J’avais racontĂ© Ă  Viviel ce qui m’avait conduite Ă  mener l’existence qui Ă©tait la nĂŽtre
 ou plutĂŽt, la petite futĂ©e avait rĂ©ussi Ă  me tirer les vers du nez. De sorte qu’elle avait parfaitement compris la signification de mon arrĂȘt au milieu des ruines, et elle respectait les quelques minutes de silence dont j’avais besoin.
Je dĂ©ambulais un instant entre les tas de pierre, entourĂ©es par les fantĂŽmes du passĂ©. AuprĂšs de moi passaient les hommes de notre village, courant de barricades en barricades ; je sentais sur ma nuque filer les flĂšches des assaillants et des dĂ©fenseurs ; je marchais au milieu du champ de bataille, voyant les hommes tomber les uns aprĂšs les autres
 j’arrivais Ă  un monticule de pierres plus haut que les autres surmontĂ© d’une croix. Les fantĂŽmes autour de moi disparurent tandis que je lisais la plaque grossiĂšre en mĂ©tal qui y Ă©tait apposĂ©.

« Ici moururent ceux du village de Thendalle, en dĂ©fendant ceux qu’ils aimaient plus que tout. »

Qui avait apposĂ© la plaque ? SĂ»rement l’un des survivants. Un de ceux que j'avais quittĂ© subrepticement l nuit qui suivit cette terrible bataille. Je me sentais mieux, le sacrifice des nĂŽtres ne serait pas oublié 
Soudain, alors que je reposais la plaque, mon regard croisa la croix.
Mon cƓur fit un bond dans ma poitrine.
Ce n’était pas une croix, qui Ă©tait plantĂ©e dans les pierres.
C’était une Ă©pĂ©e.
Vieille, Ă©moussĂ©e, sale
Mais je l’aurais reconnue entre mille.
L’épĂ©e de PĂšre.


Mais comment avait-elle pu arriver lĂ ? Mes derniers souvenirs la concernant remontaient au moment oĂč mon frĂšre Ethan nous avait quittĂ©s pour rejoindre les forces "salvatrices". Mala me l'avait confirmĂ© elle-mĂȘme... Alors, qui avait pu ramener cette Ă©pĂ©e ici? Ethan?
Y avait-il encore une chance pour que mon frĂšre soit vivant?

Dissimulant mon trouble Ă  Viviel, je pris l'Ă©pĂ©e en main. Je la pris en tremblant, la dĂ©poussiĂ©rai. Elle Ă©tait dĂ©polie, mais un bon forgeron lui redonnerait son Ă©clat d’antan. Avoir cette Ă©pĂ©e en main m’apaisa. Comme si je venais d’accomplir mon devoir.

L’épĂ©e me revenait finalement. L’hĂ©ritage des De Parravon. La boucle Ă©tait bouclĂ©e. Ma route Ă©tait tracĂ©e. Tant que cette Ă©pĂ©e serait Ă  mes cĂŽtĂ©s, les miens me suivraient. Tant que je m’en servirais, elle parlerait en leur nom.
SoulagĂ©e, je me redressais et rejoignais Viviel qui m’attendait un peu plus loin. Pour la premiĂšre fois, le poids qui oppressait ma poitrine s’estompa. Pour la premiĂšre fois, j’envisageais de fermer la porte au nez des dĂ©mons de mon passĂ© et d’avancer sereinement vers l’avenir... avenir qui me rapprocherait peut-ĂȘtre d'Ethan, qui pouvait le dire?


Silencieusement, je pris Viviel par la main, et nous quittĂąmes la plaine des souvenirs sous un soleil radieux.


http://img41.imageshack.us/img41/3528/0b026bbf8697d33368dd78f.gif
" Ne vous jugez pas... Il y a tellement de gens en ce monde qui se feront un plaisir de le faire pour vous."

 

#24 31-07-2008 21:32:27

syhl
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Re: "MĂ©moires d'une diplomate"

LIVRE 7 – UNE FAMILLE.


Il me semble qu’une annĂ©e presque entiĂšre s’écoula entre mon Ă©prouvant retour Ă  Thendalle, et l’évĂšnement qui m’entraĂźna dans la voie que j’arpente toujours maintenant. Une annĂ©e, oui


GrĂące Ă  ma petite Viviel, je pus reprendre un dĂ©compte du temps bien plus prĂ©cis que ce que je pouvais estimer pendant mon exil. Pour elle, je rĂ©inventais les saisons. Pour elle, je cĂ©lĂ©brais Ă  nouveau Nowel, anniversaires, la Chante-lueur, Paack’he, et toutes ces fĂȘtes qui peuplaient jadis mon enfance
 Bien sĂ»r, je faisais cela simplement parce que Viviel Ă©tait encore jeune et que cela aurait Ă©tĂ© cruel de ma part de l’en priver ainsi
 mais avec du recul, je crois que j’aurais Ă©tĂ© capable de tout pour voir apparaĂźtre un sourire sur son adorable visage. Quelque chose en moi avait Ă©tĂ© rĂ©veillĂ©e, entamant un long processus de transformation. Plus qu’un simple passeport ou qu’une couverture Ă  mon existence, Viviel en Ă©tait devenu la clĂ©.



Notre situation commença Ă  s’amĂ©liorer au dĂ©but de l’hiver de cette annĂ©e lĂ . Alors que nous avions repris la route trĂšs tĂŽt ce matin lĂ , grelottant un peu au souvenir de la nuit froide que nous avions passĂ©e clandestinement dans une grange aux planches mal jointoyĂ©es, nous aperçûmes dans un champ au loin une charrette et un cheval, couchĂ©, visiblement dĂ©telĂ©. Nous nous approchĂąmes, espĂ©rant trouver lĂ  au moins un feu pour nous rĂ©chauffer un peu
 pas de feu, le campement semblait Ă  l’abandon. Laissant Viviel rejoindre l’animal, je me dirigeais vers la petite roulotte, cherchant son propriĂ©taire, lorsque j’entendis la petite m’appeler.
Elle venait de trouver quelque chose entre les pattes du cheval qui hennit doucement à notre approche. Ecartant une mince couverture, je vis alors un misérable vieil homme roulé en boule. Le malheureux était mort de froid
 au sens propre du terme. Il avait certainement cherché une ultime source de chaleur auprÚs de son cheval. En vain.

Cherchant dans la roulotte de quoi lui donner une sĂ©pulture dĂ©cente, je trouvais un petit atelier composĂ© d’un Ă©tabli et d’une meule de pierre
 un rĂ©mouleur




- «  Un quoi ? »
- «  Un rĂ©mouleur, Viviel
 c’est celui 
 qui passe de village 
 en village et propose
 han
 ses services
 il rĂ©-aiguise tout ce qui
 en a besoin
 ouf
 »

Je rĂ©pondais Ă  Viviel tout en achevant de creuser une fosse sommaire dans la terre gelĂ©e et dure comme de la pierre. Puis nous y dĂ©posĂąmes le corps du malheureux vieillard, lui ĂŽtant une vieille mĂ©daille qu’il avait au cou. La tombe refermĂ©e, Viviel planta une croix qu’elle avait faite avec deux branchages, et en guise de nom, j’accrochais le collier de cuivre rouillĂ©. Puis j’attelais le cheval a la charrette, et c’est ainsi que nous prĂźmes la route, laissant derriĂšre nous une sĂ©pulture anonyme, un mĂ©daillon dansant dans le vent glacĂ© qui commençait Ă  se lever.


Nous Ă©tions devenues deux marchandes itinĂ©rantes, ce qui avait pour avantage de nous procurer un abri pour la nuit et un revenu, maigre, certes, mais suffisamment rĂ©gulier pour nous permettre de manger 1 Ă  2 fois par jour. Viviel avait dĂ©veloppĂ© une certaine habiletĂ© au braconnage, de sorte que la viande ne nous manquait pas trop. Bien sĂ»r, nous nous dĂ©placions plus lentement, restant sur place 2, 3 jours, voir plus, suivant la taille du village ou du bourg oĂč nous nous arrĂȘtions ; et sur les routes, non plus Ă  couvert, ce qui nous exposait aux bandes de rĂŽdeurs et de brigands, mais j’espĂ©rais que l’aspect misĂ©rable de notre convoi suffirait Ă  dĂ©tourner leurs envies belliqueuses.

Quand aux villageois qui nous regardaient parfois d’un air suspicieux, je leur servais l’image de l’épouse en pleurs, seule, avec une enfant Ă  charge, obligĂ©e de reprendre l’activitĂ© de son mari parti pour la guerre pour survivre ; je dĂ©peignais alors le portrait d’Ethan pour dĂ©crire mon supposĂ© Ă©poux, espĂ©rant que quelqu’un puisse le reconnaĂźtre
 J’avais alors 18 ans, et Viviel en semblant toujours 8, je la prĂ©sentais comme la jeune sƓur de mon Ă©poux, derniĂšre de la famille. Mais gĂ©nĂ©ralement, les gens se souciaient peu de la vie de deux misĂ©rables comme nous, des rĂ©ponses Ă©vasives leur suffisaient parfaitement.
Parfois, pourtant, nous avions la chance de croiser le chemin d’une personne charitable, qui nous proposait le gĂźte ou le couvert, exceptionnellement les deux, en guise de paiement. Cela nous permit de ne pas passer trop de nuit Ă  la belle Ă©toile durant l’hiver, et de voir revenir les beaux jours avec sĂ©rĂ©nitĂ©.



Un soir de printemps, nous avions fini de manger notre frugal repas, et, comme tous les soirs, je passais en revue mes outils, les huilant avec soin, tout en chantant de vieux cantiques avec Viviel.
La petite s’était dĂ©couvert une passion pour la musique et pour le chant. Je lui avais transmis tout ce que j’avais appris enfant, tous les chants et comptines dont je me souvenais, et l’art de chanter Ă  plusieurs voix. Viviel, comme tous les enfants de son Ăąge physique, avait une charmante voix haut perchĂ©e et cristalline qui, un peu travaillĂ©e et confortĂ©e, devint une trĂšs belle voix de soprano. J’apprĂ©ciais aussi les aigus, mais ma voix ayant muĂ©, j’étais plus proche du mezzo soprano. Nous aimions ainsi chanter le soir, Ă  deux voix, toutes sortes de morceaux, et nous formions alors un assez joli duo.

Ce soir là, donc, nous chantions joyeusement un de mes chants favoris, « Si mort à mors » lorsque Voleur se mit à gronder.
Voleur Ă©tait une sorte de gros chien-loup que nous avions recueilli Ă  la fin de l’hiver. En braconnant, Viviel Ă©tait tombĂ© sur l’animal, pris dans un piĂšge Ă  loup. Avec ses deux grands yeux muets, elle m’avait convaincue de libĂ©rer et soigner l’animal, ce que nous fĂźmes avec la plus grande des difficultĂ©s, vu son caractĂšre sauvage et agressif. Il s’enfuit sans demander son reste, cette fois là
 mais nous passĂąmes plusieurs soirĂ©es Ă  voir deux points jaunes nous fixer dans les taillis, avant que je ne voie un matin Viviel ramasser prestement un vieux sot qu’elle avait laissĂ© prĂšs du feu la veille
 La petite futĂ©e nourrissait la bĂȘte depuis plusieurs soirĂ©es. Petit Ă  petit Voleur devint plus hardi, s’approcha peu Ă  peu de nous, jusqu’à ce qu’un soir, il accepta de recevoir de la nourriture de la main mĂȘme de Viviel.
Je fis mine de cĂ©der Ă  l’enfant pour garder Voleur prĂšs de nous, mais en rĂ©alitĂ©, j’étais assez soulagĂ©e de l’avoir. Son allure imposante et inquiĂ©tante repoussa plus d’un vagabond louche ou tout autre individu mal intentionnĂ© Ă  notre Ă©gard.


Nous fĂźmes immĂ©diatement silence en entendant les grondements. Je regardais notre cheval, lui aussi semblait inquiet. Sers oreilles bougeaient en tous sens et il secouait la tĂȘte avec force. Je regardais Viviel, qui partit se mettre Ă  l’abri dans la carriole, tandis que je prenais mon Ă©pĂ©e, que j’avais eu tout le loisir de remettre en Ă©tat pendant l’hiver.
Soudain, une flÚche empennée de noir frÎla mon visage et vint se planter dans le bois de la charrette juste derriÚre moi.

Me retournant, j’aperçus deux archers Ă  la peau blafarde, revĂȘtus d’habits sombres
 Et d’autres yeux dans les fourrĂ©s

Des Drows !
Je n’eus que le temps de bondir sous la carriole pour Ă©viter leurs traits, qui vinrent se ficher dans les roues Ă  quelques pouces de moi.

Voleur, lui, se jeta sur l’un des archers qui, gĂȘnĂ© par son carquois, ne put se dĂ©fendre suffisamment
 il eut la gorge arrachĂ©e par l’assaut, et s’effondra, le sang coulant Ă  flot de sa gorge.
L’autre archer par contre, avait eu le rĂ©flexe de jeter son arc pour dĂ©gainer le poignard effilĂ© qu’il portait Ă  sa ceinture, et lorsque le chien loup passa Ă  sa portĂ©e, il le lui planta dans le flanc
 Voleur s’effondra en gĂ©missant dans l’herbe qui rougit immĂ©diatement.

Tout cela se passa en moins de deux secondes, m’empĂȘchant de rĂ©agir aussi vite que je ne l’aurais voulu. Mais en voyant tomber Voleur, je me relevais et me prĂ©cipitais vers l’archer restĂ© seul
 lorsque quelque chose me dĂ©passa. Du coin de l’Ɠil je vis passer une tĂąche mauve et brune
 Viviel !
Elle avait bondi en mĂȘme temps que moi, avec Ă  la main l’épĂ©e courte que je lui avais fabriquĂ©e Ă  partir d’une vieille Ă©pĂ©e cassĂ©e et Ă©moussĂ©e que jetait un jeune noble, pour qu’elle puisse se dĂ©fendre au cas oĂč lorsqu’elle braconnait. Elle se jeta sur l’archer, surpris de voir une enfant de 8 ans foncer droit sur lui.
Je voulu l’aider, lorsque je vis un mouvement dans les taillis
 trois silhouettes sombres
 les autres Drows aussi se jetaient dans la bataille 


Je m’interposais entre eux et le dos de Viviel, trop exposĂ©e, prĂȘte Ă  recevoir leurs assauts. J’étais obligĂ©e de laisser Viviel se dĂ©brouiller face  Ă  son adversaire si je voulais la protĂ©ger efficacement des autres. Je devais lui faire confiance, croire en ses capacitĂ©s, en ce que je lui avais appris, pour me concentrer sur les trois autres assaillants.

L’un d’eux s’approcha de moi, suivi par un deuxiĂšme, tandis que le troisiĂšme restait Ă  l’écart
 Je fis tournoyer ma lame en poussant un cri de dĂ©fi, prĂȘte Ă  les accueillir comme il se devait. Je pris de front les deux assassins qui maniaient l’un une lance, l’autre une Ă©pĂ©e courte, et je manƓuvrais de sorte qu’ils se gĂȘnent mutuellement pour se mouvoir. J’entendis soudain derriĂšre moi un double cri, un cri aigu et un rĂąle plus grave



- «  Viviel ! »

Je ne pouvais pas me retourner
 seul le silence me rĂ©pondit
  un silence lourd, angoissant. Comme dans un rĂȘve, en une fraction de seconde, je revis la mort de mon pĂšre, celle de Kaios, la perte d’Ethan
 ça n’allait pas recommencer
 non ! Pas encore !! Je n’allais pas de nouveau perdre une personne qui m’était chĂšre !

Hurlant de rage, je repoussais l’assaut que me portaient encore les deux Drows, serrant les dents lorsque la pointe de la lance me transperçait le bras gauche. Sous la poussĂ©e de fureur qui m’avait envahie, mes deux assaillants Ă©taient tombĂ©s Ă  la renverse ; ignorant la douleur qui me vrillait le bras, je transperçais le cƓur du Drow au sol qui tenait encore son Ă©pĂ©e, puis me retournait vers celui Ă  la lance, qui dĂ©jĂ  se redressait sur un genou. Ignorant si Viviel avait gagnĂ© son combat, ou du moins si elle avait mis hors service son adversaire, je lançais ma jambe aussi loin que possible et frappait du pied mon adversaire en pleine tĂȘte, qui roula sur lui-mĂȘme et s’immobilisa. C’est alors que j’entendis des marmonnements Ă©tranges et gutturaux
 j’avais oubliĂ© le troisiĂšme Drow ! Relevant la tĂȘte, je le vis qui terminait son incantation, un forme aura sombre se forma autour de sa main


Je soufflais un bon coup. C’était trop tard, il allait lancer son sort
 il Ă©tait trop loin pour que je puisse l’atteindre et lui porter un coup avant la fin de son incantation
 Viviel devait ĂȘtre morte maintenant
 je tombais Ă  genoux, essoufflĂ©e, le bras Ă  prĂ©sent ankylosĂ© par la douleur, vaincue
 acceptant l’issue du combat



Soudain, un sifflement
 le sourire du mage se crispa, il s’immobilisa, et tomba Ă  la renverse, une flĂšche fichĂ©e dans le front.
Je restais lĂ , interloquĂ©e, ne comprenant pas ce qui venait de se passer. Soudain on me prit l'Ă©paule. Je levais machinalement la tĂȘte, et je vis une elfe, vĂȘtue de bleue, je vis sa bouche, je vis qu'elle me parlait... que disait-elle donc?

D'un seul coup, le son me revint, et je réalisais en sursautant que j'avais vécu le combat dans le silence le plus complet qu'il m'ait été donné de vivre...


- «  Vous ĂȘtes blessĂ©e? OhĂ© ! »
- «  Je... oui... Viviel... Viviel ! »

Je voulus m'arracher des bras de celle qui essayait de me relever, pour me retourner vers ma petite Viviel, mais brisée par l'émotion je retombais sur un genou... pour voir un étrange spectacle. Un groupe d'une dizaine de personne s'affairait autour de nos maigres possessions. Groupe étrange, formé de nains, elfes, humains, d'orcs, de trolls... si différents, et pourtant, si proches les uns des autres... comme... comme des frÚres les uns pour les autres...

Soudain, je remarquaisd un ĂȘtre humain, Ă  genou, auprĂšs d'une masse mauve et noire... aidĂ©e d'un troll, ils soulevĂšrent une forme sombre, et je reconnu avec peine dans ce pantin dĂ©sarticulĂ© l'archer Drow que ma douce Viviel avait chargĂ©...


- «  Viviel... »

Je frĂ©mis, mes yeux s'aggrandirent de frayeur. AprĂšs avoir rejetĂ© le corps du Drow sur le cĂŽtĂ©, les mains de l'homme s'approchĂšrent de la forme mauve que je reconnaissais ĂȘtre le vĂȘtement de ma petite... IntĂ©rieurement, je me mis Ă  prier pour qu'elle soit morte pendant le combat, espĂ©rant que personne ne remarquerait que nul sang ne s'Ă©coulait de sa poitrine dĂ©foncĂ©e, que nulle chaleur n'animait plus ce corps depuis longtemps... Qui sait quels sĂ©vices pouvaient lui ĂȘtre infligĂ©s si on dĂ©couvrait sa non-existrence...
Les mains s'approchĂšrent encore et touchĂšrent le tissu mauve.


- «  Non !! il ne faut pas... non ! »

L'homme surpris se retourna vers moi, mais mes yeux brouillĂ©es de larmes m'empĂȘchĂšrent tout d'abord de voir son expression... La jeune elfe me releva Ă  nouveau, avec force phrases apaisantes, aidĂ©e par un de ses semblables, et nous nous approchĂąmes de ma Viviel... Nous passĂąmes devant Voleur, compagnon d'infortune qui avait payĂ© de sa vie son dĂ©vouement...
L'homme se tourna à nouveau vers moi et je faillis hurler... la moitié gauche de son visage avait été arrachée, et sous le foulard qu'il portait nouée autour du cou, je voyais une déchirure profonde et réguliÚre qui, je le devinais parcourait toute sa gorge.


- «  N'ayez crainte, elle est toujours des nĂŽtres... ses blessures auraient Ă©tĂ© fatales pour un vivant, qui se serait vidĂ© de son sang, mais pour elle, ce ne sera pas grand chose... Juste un mauvais souvenir. »
- «  Mais ... vous... »
- «  Oui, moi aussi. Maintenant allez vous reposer, vous avez perdu trop de sang, vous devriez vous allonger. » rĂ©pondit-il gentiment, avec un sourire calme et franc.

J'eus immĂ©diatement confiance en ces gens. Leurs gestes Ă©taient doux et simples, leurs sourires honnĂȘtes et vrais... et pour la premiĂšre fois depuis longtemps, je ne perçus aucune faussetĂ©, aucun mensonge, aucune tromperie dans leurs actes.
Je m'abandonnais entiÚrement aux bras qui me hissaient dans ma carriole et m'y allongeaient avec douceur. Des mots furent chuchotés dans une langue inconnue et chantante, des mains se posÚrent sur moi, légÚres comme la caresse de plumes, et une chaleur bienfaisante se répandit en moi...

Avant de céder au sommeil, j'eus la force de poser une ultime question:


- «  Qui... qui ĂȘtes vous?  »
- « Dormez. Nous veillons. Nous sommes les Chevaliers de la Peste Noire. »

Dernière modification par syhl (31-07-2008 22:04:37)


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" Ne vous jugez pas... Il y a tellement de gens en ce monde qui se feront un plaisir de le faire pour vous."

 

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