Là où l'on palabre...
Vous n'êtes pas identifié.
Kaedric se réveilla, vêtu de son armure étincelante de soldat, il sentait ses pieds s'enfoncer lourdement dans la terre encore molle de la rosée du petit matin.
Son petit déjeuner était là , devant lui, une bonne vieille tartine de soldats ennemis prêts à en découdre : des grunts, humains, trolls, nains...
Aujourd'hui, comme chaque journée de batailles, il est en première ligne.
La rage du combat résonne déjà dans ses tempes, le bonhomme sent déjà ses veines gonfler et ses jambes se préparer.
Il hume l'atmosphère silencieuse et Ô combien écoeurante qui règne, écoute le chant des tintements métalliques des armures comme une berceuse et ferme les yeux, tranquillement, assez peu remi de sa nuit délicate avec cette elfe, si douce, si belle...
Ezeka...
Il plonge alors la main dans sa ceinture et en tire un chapelet, il prie, exprime ouvertement sa ferveur, rejoins par ses camarades en un murmure paisible et rassurant, puis les cors funestes sonnent.
Le bel humain plonge en hurlant vers les troupes ennemies, et commence déjà à s'enfoncer dans cette mêlée chaotique, il dévisage un nain, entaille lourdement un Grunt et fais trébucher un troll sur un pauvre gnome qui chargeait d'une mine effrayée, il court, tranche et frappe de son bouclier, il aplati le nez d'un humain, empale un autre Grunt et semble pris d'un vertige.
Les peuples du nord l'appellaient la transe, il bave, les yeux injectés de sang et finit sa course contre la lourde lance en fer d'un elfe qu'il n'avait pas pu esquiver, il sentait même ses tripes se faire tirer en arrirèe le long du manche.
L'elfe lui assène un coup de pied à la poitrine qui le décroche douloureusement, et Kaedric se sent chuter lourdement...
Ezeka...?
Kaedric ouvre les yeux : toujours cette même plaine, mais l'herbe tendre est maintenant pourrie et noirâtre, quelques corbeaux planent et remplacent les aigles d'antan.
Le premier réflexe de Kaedric est de plonger sa main dans sa ceinture, et d'en retirer son chapelet, dont seul la croix subsiste.
Il l'embrasse, remercie son dieu et enlève son armure rouillée, une seconde chance, il en avait une seconde.
La vision de ses propres entrailles lui fit perdre un peu beaucoup de sa joie, et c'est contre son gré qu'il se releva, rammassant les morceaux pour les rangers dans sa cage thoracique béante.
Il mourrait de fin, mais il semblait mort, bien mort, quelques morceaux de bois étaient encore incrustés en lui, et cette vision, qui l'aurait fait vomir habituellement, ne lui provoqua rien.
Pas plus que lorsqu'il retira tout son attirail déchiqueté et qu'il contempla sa peau en lambeaux, ses os jaunes et usés.
Pourquoi ne pas s'être décomposé ? La terre molle s'était transformé en un bourbier infâme son corps s'était donc relativement bien conservé.
Mais quel année était-il pour qu'il soit dans cet état ? Il ne se posa pas la question, il savait qu'il ne reverrait jamais Ezeka, sa précieuse Ezeka, son amour, sa fiancée...
Il se leva, empoigna son épée et observa autour de lui : un humain l'observait, la bouche grand ouverte, la cible parfaite pour se défouler.
Voulant hurler, c'est un son glauque et caverneux qui sortit de sa mâchoire et son épée alla se ficher dans la bouche du voyeur, dont la tête tomba lourdement.
Il contempla le cadavre, et pour pallier à sa faim, en dévora les tripes et un peu de peau, avant de se diriger, titubant, vers l'horizon, errant sans but précis, mort mais non mort...